lundi 16 juin 2014

Philosophie de l'impasse

Bacheliers contre grévistes. Le choc du jour couronne l'absurdité. D’un côté, les lycéens, plongés dans l’épreuve de vérité, regardent vers l’avenir. De l’autre, les cheminots, réfractaires au changement, ont les yeux rivés sur les acquis du passé. Une France des jeunes avance pendant que celle de ses aînés la freine. Comment sortir d’une impasse qui prouve, une fois encore, que le pays est irréformable sans douleur ni compromission ? Historiquement, la France est une patrie de frondeurs et de révolutionnaires. Pourquoi ne pas mettre cette capacité d’indignation au service de l’innovation et du bon sens ? Trois conditions s’imposent.

D’abord, favoriser l’ouverture d’esprit à la nouveauté. En construisant une vraie politique de la formation et de l’alternance au coeur même des entreprises et des institutions consacrées au travail, les salariés en détresse, plus particulièrement les naufragés de l’industrie, les chômeurs de longue durée et les actifs en général renoueront avec la philosophie de la reconversion, convaincus que leurs compétences sont évolutives et le rebond possible. Ce qui suppose de rompre avec la domination de la vieille culture syndicale, dépassée par les exigences du présent. Les leviers de la confiance en soi et de la motivation passent par une reconnaissance de l’effort. Et non par le poids des statuts qui perdurent et des privilégiés qui râlent.

Ensuite, accorder la politique et l’économie dans le sens de l’intérêt général. Les élus sont devenus des professionnels de l’immédiateté et de l’image, raisonnant dans un cycle court dont la conservation du pouvoir donne le rythme. A l’inverse, les entrepreneurs sont habités par le goût du risque et de l'engagement. Il est urgent de déculpabiliser l’argent et d’encourager les sauts qualitatifs pour repenser nos métiers en profondeur. Le conflit des taxis contre les VTC est symptomatique de cette économie hors-jeu qui refuse les opportunités offertes par la digitalisation des expériences client. Toutes les professions doivent entrer dans une dynamique de la fragilité en acceptant la remise en cause face au progrès technologique. Et ce n’est pas en ajoutant de la législation à la législation, comme l’interventionnisme à la Montebourg, que l’Etat calmera les oppositions et libérera la croissance.

Enfin, adopter une posture de la pédagogie. A quoi s’évertuent les médias et les commentateurs sinon à jeter, malgré eux, de l’huile sur le feu par l'instrumentalisation des petites phrases assassines. Monter, par micros interposés, les radicaux du rail ou de la scène contre les exaspérés du quai et des tribunes, avec les ministres en arbitres, ne va pas arranger nos affaires. L’opinion publique ne comprend pas les motifs des grévistes et les syndicats renvoient la faute à la surdité du gouvernement. C’est le jeu de l’incompréhension. Comment, au milieu de toute cette cacophonie, faire émerger des voix, des modèles, qui pourraient donner du sens à tout cela ? Jouer de leur notoriété pour expliquer les raisons de la colère. Il est temps de trouver les porte-paroles de l’intelligence.

Et par-dessus tout, profiter de la "Coupe du Monde" et de ses effets cathartiques, pendant que l’équipe de France est encore en odeur de sainteté, pour effacer l’ardoise de la contestation et renouer avec l’enthousiasme de l’action. Du palais présidentiel au foyer fiscal, nombreux sont ceux qui espèrent que le renouveau viendra de la fraternité d’une victoire.