Bacheliers contre grévistes. Le choc du jour couronne
l'absurdité. D’un côté, les lycéens, plongés dans l’épreuve de vérité, regardent vers l’avenir. De l’autre, les cheminots, réfractaires au changement,
ont les yeux rivés sur les acquis du passé. Une France des jeunes avance pendant que celle de ses aînés la freine. Comment sortir d’une impasse qui prouve, une
fois encore, que le pays est irréformable sans douleur ni compromission ?
Historiquement, la France est une patrie de frondeurs et de révolutionnaires. Pourquoi ne pas mettre cette capacité d’indignation au service de
l’innovation et du bon sens ? Trois conditions s’imposent.
D’abord, favoriser l’ouverture d’esprit à la nouveauté. En
construisant une vraie politique de la formation et de l’alternance au coeur
même des entreprises et des institutions consacrées au travail, les salariés en
détresse, plus particulièrement les naufragés de l’industrie, les chômeurs de
longue durée et les actifs en général renoueront avec la philosophie de la
reconversion, convaincus que leurs compétences sont évolutives et le rebond
possible. Ce qui suppose de rompre avec la domination de la vieille culture
syndicale, dépassée par les exigences du présent. Les leviers de la confiance
en soi et de la motivation passent par une reconnaissance de l’effort. Et non
par le poids des statuts qui perdurent et des privilégiés qui râlent.
Ensuite, accorder la politique et l’économie dans le sens de
l’intérêt général. Les élus sont devenus des professionnels de l’immédiateté et
de l’image, raisonnant dans un cycle court dont la conservation du pouvoir
donne le rythme. A l’inverse, les entrepreneurs sont habités par le goût du
risque et de l'engagement. Il est urgent de déculpabiliser l’argent et
d’encourager les sauts qualitatifs pour repenser nos métiers en profondeur. Le
conflit des taxis contre les VTC est symptomatique de cette économie hors-jeu qui
refuse les opportunités offertes par la digitalisation des expériences client.
Toutes les professions doivent entrer dans une dynamique de la fragilité en
acceptant la remise en cause face au progrès technologique. Et ce n’est pas en
ajoutant de la législation à la législation, comme l’interventionnisme à la
Montebourg, que l’Etat calmera les oppositions et libérera la croissance.
Enfin, adopter une posture de la pédagogie. A quoi
s’évertuent les médias et les commentateurs sinon à jeter, malgré eux, de
l’huile sur le feu par l'instrumentalisation des petites phrases assassines.
Monter, par micros interposés, les radicaux du rail ou de la scène contre les
exaspérés du quai et des tribunes, avec les ministres en arbitres, ne va pas
arranger nos affaires. L’opinion publique ne comprend pas les motifs des
grévistes et les syndicats renvoient la faute à la surdité du gouvernement.
C’est le jeu de l’incompréhension. Comment, au milieu de toute cette
cacophonie, faire émerger des voix, des modèles, qui pourraient donner du sens
à tout cela ? Jouer de leur notoriété pour expliquer les raisons de la colère.
Il est temps de trouver les porte-paroles de l’intelligence.
Et par-dessus tout, profiter de la "Coupe du
Monde" et de ses effets cathartiques, pendant que l’équipe de France est
encore en odeur de sainteté, pour effacer l’ardoise de la contestation et
renouer avec l’enthousiasme de l’action. Du palais présidentiel au foyer
fiscal, nombreux sont ceux qui espèrent que le renouveau viendra de la
fraternité d’une victoire.