mardi 17 décembre 2013

Un jour, un destin

Visite dans les coulisses du JT de 20h de TF1 présenté par Gilles Bouleau.
C'est l'histoire de trois parcours. Trois hommes marqués par une journée qui a donné une nouvelle orientation à leur aventure personnelle. Ces trois personnalités ont fait l'actualité de la semaine. De ma semaine. A tort ou à raison. A vous de juger.

Nicolas Sarkozy, le funambule des sondages

« C’est quelqu’un qui m’a dit que tu m’aimais encore. Serait-ce possible alors ? » Des paroles prophétiques pour l’ex-chef de l’Etat qui assiste à tous les concerts de son épouse Carla Bruni. Car le "Raymond" de la chanteuse est aujourd’hui le candidat préféré des sympathisants UMP, selon un sondage Ifod pour Atlantico publié ce mardi 3 décembre. A 60%, il devance largement Alain Juppé (13%) avec qui il s’est entretenu « une demi-heure dans la loge de Carla », au Casino Barrière de Bordeaux, sans que rien ne filtre. Loin derrière, Fillon est plébiscité par 7% des sondés. Le député-maire de Meaux finit bon dernier à 1%, poussé vers le bas par les mousquetaires Wauquiez (4%), NKM (3%) et Le Maire (2%). En pleine reconstruction de son identité après la lutte fratricide pour sa présidence, l’UMP peine encore à se trouver une autre voix pour 2017.
Cette popularité de Nicolas Sarkozy dans son propre camp n’est pas un hasard. Aux concerts de Carla, ses fidèles se pressent en masse pour le saluer et l’encourager à revenir dans la course. Façon meeting, selon la recette des Volfoni. En pleine ascèse médiatique, il se sent pousser des ailes. Serait-il resté l’homme providentiel qui sauvera la France du péril Hollande ? En véritable animal politique, plus fort lorsque blessé, il en est convaincu. Pour lui, les primaires devraient se résumer à un saut d’obstacle. A 60%, pas besoin de primaires, pense-t-il. Ce que Juppé conteste, lui qui vise Bordeaux, d’où l’on aurait une excellente vue sur l’Elysée. Une tactique non dénuée d’intérêt. Car une ville bien administrée est sans doute aujourd’hui un meilleur tremplin pour le Palais qu’un parti sans gouvernail ni coffre au trésor.
Pourtant, un autre sondage CSA pour BFM TV, paru en octobre dernier, révélait que 54% des Français ne regrettent pas la présidence de Nicolas Sarkozy (40% répondent « non, pas du tout » et 14% « non, pas vraiment »). La nostalgie ne serait pas à l’ordre du jour. Or, pour gagner des élections, il faut rassembler au-delà de son propre camp. Le PS l’a prouvé, même si les résultats ne sont pas à la hauteur des promesses. Pour équilibrer les rapports de force entre des concurrents futurs alliés, les primaires restent la meilleure stratégie. Un grand écart comme seuls les hommes politiques savent le faire. Cependant, Nicolas Sarkozy ne doit pas être rappelé aux urnes pour les mêmes raisons qui l’ont sanctionné le 6 mai 2012 : le rejet de l’autre. Il est temps que la France soit gouvernée par conviction. Non par défaut.

Gilles Bouleau, le "bon camarade" de l'info

« 15 secondes ! » La voix d’un assistant-plateau me fait sursauter. Sur un écran de contrôle, Evelyne Dhéliat abat sa dernière carte. Celle du temps. Séquence enregistrée. La météo n’est pas en direct. Assis à son bureau en forme d'hélice, sous les feux d’une armée de projecteurs, Gilles Bouleau jette un oeil dans son miroir de poche, s’éclaircit la voix et ajuste sa cravate. 19h58, générique. Les titres. Depuis le 4 juin 2012, le "présentateur normal" tient, en semaine, les rênes du 20h de TF1. Et chaque soir, c’est le même rituel. Ou presque. Car, à la mesure des événements, le JT du lendemain fait oublier celui de la veille. Comme une pièce de théâtre dont les acteurs ne sont jamais blasés. C’est la mécanique qui est bien huilée. Même si, des fois, survient une panne, un sujet qui n’est pas prêt, une erreur de lancement ou une voix qui savonne. D’autres fois, c’est l’actualité qui bouscule le rythme.
Ce mercredi 4 décembre : impôts, prostate et huile d’olive. Pas de quoi tirer la sonnette d’alarme. Au 2e étage de la forteresse TF1, quai du Point du Jour, il règne une étonnante sérénité. Du plateau à la régie, on marche à pas feutrés. Chacun tient son poste le long d’une chaîne de commandement que pas même un scoop ne pourrait ébranler. Les techniciens tissent un pare-feu entre eux et nous pour que rien ou si peu d’un éventuel grain de sable ne grippe l'antenne. Le remède au stress ? Gilles Bouleau ne parle pas de tension mais de concentration. La présentation du JT est le fruit du travail de toute une journée, de toute une équipe. Sans esbroufe, ni amateurisme. Du journalisme bien préparé, filtré, dont le point d’orgue est une mise en scène. Et pas l’inverse. Tout est dans la maîtrise.
Diplômé du Centre de Formation des Journalistes après Sciences Po, Gilles Bouleau a fait ses classes à LCI. Correspondant à Londres puis à Washington, il exerce sur le terrain sa passion pour le métier. Joker de Laurence Ferrari à la présentation du 20h dès 2011, il en profite pour dépoussiérer les infographies des JT. Puis, en juin 2012, la tête blonde s’en va, lui s’installe. Pour de bon. Ses gestes sont posés, sa voix emphatique, le sourire complice. Des téléspectateurs aux collaborateurs, tout le monde en profite. Il n’hésite pas à complimenter une carte, une animation ou un reportage en cours de diffusion. Une réputation de "bon camarade". Seul le rédac' chef est relié à lui par une oreillette. Ils avisent, en temps réel, des adaptations éventuelles à donner au conducteur, ce déroulé minuté où chaque sujet, reportage ou off, est calé jusqu’aux tous derniers instants. Le journal porte bien son appellation de "grande messe". L’exercice relève du sacré.

François-Xavier Demaison, le nouveau Père Castor

C’est l’histoire d’un mec dont la conscience populaire retient d’abord son rôle de Coluche dans le film d’Antoine de Caunes, et son séjour chez les Raïka dans le cathodique Rendez-vous en terre inconnue. Mais, au-delà du truculent comédien, mélange de guignol et de clown triste, le grand public connait-il le récit de son parcours, celui d’une trajectoire de fiscaliste qui, bousculée par la chute des tours jumelles, le 11 septembre 2001, a fini sur les planches ? Sa rencontre avec Samuel Le Bihan sur la scène de ses débuts l’a conforté dans son projet fou. Scruter le rire plutôt que l'argent. Aujourd’hui, ce fils d’avocat, ex-chroniqueur de France Inter et parrain de plusieurs associations caritatives, déchaîne le public du théâtre Edouard VII, à Paris, dans un spectacle drôle et bien écrit : « Demaison s’évade ».
A l’instar de son personnage de voyant-masseur, il nous illumine de ses révélations. Quel est l’intérêt de vivre au Québec ? D’où vient le cri des indiens ? Pourquoi parle-t-on d’annales du bac ? Comment tromper sans se faire choper ? Puisant son inspiration dans les absurdités du monde et de l’imaginaire collectif, il donne vie à une galerie de portraits déjantés, du golfeur suffisant au cow-boy cocu, derrière lesquels se cache toujours une part de vérité qui finit en maxime. Comme une morale de La Fontaine. Avec Demaison, la provocation, voire la grossièreté, est l’aboutissement d’une virtuosité des mots. Incontestablement, ses tirades sont citations. La preuve qu’on peut rire de tout, et même de ce que l’on connait déjà. Mais pas n’importe comment, ni avec n’importe qui, comme disait Desproges. Du conte pour enfants au spectacle pour prisonniers, il sait se montrer élégant derrière la crudité.
Pendant une heure d’évasion, l’humoriste est à la fois acteur et décor, truqueur et bruiteur, imitateur et danseur, chanteur et mime. Un homme-orchestre à lui tout seul, relevé par quelques effets de lumière et de musique bien choisis. Face à lui, un public conquis, jamais exclu de ses sketches. Tendrement séduit par ce nouveau Père Castor qui sait raconter les histoires horribles comme personne. Et ce n’est pas Bitou qui dira le contraire.