Visite dans les coulisses du JT de 20h de TF1 présenté par Gilles Bouleau. |
C'est l'histoire de
trois parcours. Trois hommes marqués par une journée qui a donné une nouvelle
orientation à leur aventure personnelle. Ces trois personnalités ont fait
l'actualité de la semaine. De ma semaine. A tort ou à raison. A vous de
juger.
Nicolas Sarkozy, le funambule des sondages
« C’est quelqu’un qui
m’a dit que tu m’aimais encore. Serait-ce possible alors ? » Des paroles
prophétiques pour l’ex-chef de l’Etat qui assiste à tous les concerts de son
épouse Carla Bruni. Car le "Raymond" de la chanteuse est aujourd’hui
le candidat préféré des sympathisants UMP, selon un sondage Ifod pour Atlantico
publié ce mardi 3 décembre. A 60%, il devance largement Alain Juppé (13%) avec
qui il s’est entretenu « une demi-heure dans la loge de Carla », au
Casino Barrière de Bordeaux, sans que rien ne filtre. Loin derrière, Fillon est
plébiscité par 7% des sondés. Le député-maire de Meaux finit bon dernier à 1%,
poussé vers le bas par les mousquetaires Wauquiez (4%), NKM (3%) et Le Maire
(2%). En pleine reconstruction de son identité après la lutte fratricide pour
sa présidence, l’UMP peine encore à se trouver une autre voix pour 2017.
Cette popularité de
Nicolas Sarkozy dans son propre camp n’est pas un hasard. Aux concerts de
Carla, ses fidèles se pressent en masse pour le saluer et l’encourager à
revenir dans la course. Façon meeting, selon la recette des Volfoni. En pleine
ascèse médiatique, il se sent pousser des ailes. Serait-il resté l’homme
providentiel qui sauvera la France du péril Hollande ? En véritable animal
politique, plus fort lorsque blessé, il en est convaincu. Pour lui, les
primaires devraient se résumer à un saut d’obstacle. A 60%, pas besoin de
primaires, pense-t-il. Ce que Juppé conteste, lui qui vise Bordeaux, d’où l’on
aurait une excellente vue sur l’Elysée. Une tactique non dénuée d’intérêt. Car
une ville bien administrée est sans doute aujourd’hui un meilleur tremplin pour
le Palais qu’un parti sans gouvernail ni coffre au trésor.
Pourtant, un autre
sondage CSA pour BFM TV, paru en octobre dernier, révélait que 54% des Français
ne regrettent pas la présidence de Nicolas Sarkozy (40% répondent « non,
pas du tout » et 14% « non, pas vraiment »). La nostalgie ne
serait pas à l’ordre du jour. Or, pour gagner des élections, il faut rassembler
au-delà de son propre camp. Le PS l’a prouvé, même si les résultats ne sont pas
à la hauteur des promesses. Pour équilibrer les rapports de force entre des
concurrents futurs alliés, les primaires restent la meilleure stratégie. Un
grand écart comme seuls les hommes politiques savent le faire. Cependant,
Nicolas Sarkozy ne doit pas être rappelé aux urnes pour les mêmes raisons qui
l’ont sanctionné le 6 mai 2012 : le rejet de l’autre. Il est temps
que la France soit gouvernée par conviction. Non par défaut.
Gilles Bouleau, le
"bon camarade" de l'info
« 15 secondes
! » La voix d’un assistant-plateau me fait sursauter. Sur un écran de
contrôle, Evelyne Dhéliat abat sa dernière carte. Celle du temps. Séquence
enregistrée. La météo n’est pas en direct. Assis à son bureau en forme
d'hélice, sous les feux d’une armée de projecteurs, Gilles Bouleau jette un
oeil dans son miroir de poche, s’éclaircit la voix et ajuste sa cravate. 19h58,
générique. Les titres. Depuis le 4 juin 2012, le "présentateur
normal" tient, en semaine, les rênes du 20h de TF1. Et chaque soir, c’est
le même rituel. Ou presque. Car, à la mesure des événements, le JT du lendemain
fait oublier celui de la veille. Comme une pièce de théâtre dont les acteurs ne
sont jamais blasés. C’est la mécanique qui est bien huilée. Même si, des fois,
survient une panne, un sujet qui n’est pas prêt, une erreur de lancement ou une
voix qui savonne. D’autres fois, c’est l’actualité qui bouscule le rythme.
Ce mercredi 4 décembre
: impôts, prostate et huile d’olive. Pas de quoi tirer la sonnette d’alarme. Au
2e étage de la forteresse TF1, quai du Point du Jour, il règne une étonnante
sérénité. Du plateau à la régie, on marche à pas feutrés. Chacun tient son
poste le long d’une chaîne de commandement que pas même un scoop ne pourrait
ébranler. Les techniciens tissent un pare-feu entre eux et nous pour que rien
ou si peu d’un éventuel grain de sable ne grippe l'antenne. Le remède au stress
? Gilles Bouleau ne parle pas de tension mais de concentration. La présentation
du JT est le fruit du travail de toute une journée, de toute une équipe. Sans
esbroufe, ni amateurisme. Du journalisme bien préparé, filtré, dont le point
d’orgue est une mise en scène. Et pas l’inverse. Tout est dans la maîtrise.
Diplômé du Centre de
Formation des Journalistes après Sciences Po, Gilles Bouleau a fait ses classes
à LCI. Correspondant à Londres puis à Washington, il exerce sur le terrain sa
passion pour le métier. Joker de
Laurence Ferrari à la présentation du 20h dès 2011, il en profite pour dépoussiérer
les infographies des JT. Puis, en juin 2012, la tête blonde s’en va, lui
s’installe. Pour de bon. Ses gestes sont posés, sa voix emphatique, le sourire
complice. Des téléspectateurs aux collaborateurs, tout le monde en profite. Il
n’hésite pas à complimenter une carte, une animation ou un reportage en cours
de diffusion. Une réputation de "bon camarade". Seul le rédac' chef
est relié à lui par une oreillette. Ils avisent, en temps réel, des adaptations
éventuelles à donner au conducteur, ce déroulé minuté où chaque sujet,
reportage ou off, est calé jusqu’aux tous derniers instants. Le journal porte
bien son appellation de "grande messe". L’exercice relève du sacré.
François-Xavier
Demaison, le nouveau Père Castor
C’est l’histoire d’un
mec dont la conscience populaire retient d’abord son rôle de Coluche dans le
film d’Antoine de Caunes, et son séjour chez les Raïka dans le cathodique Rendez-vous
en terre inconnue. Mais, au-delà du truculent comédien, mélange de guignol
et de clown triste, le grand public connait-il le récit de son parcours, celui
d’une trajectoire de fiscaliste qui, bousculée par la chute des tours jumelles, le 11 septembre 2001, a fini sur les planches ?
Sa rencontre avec Samuel Le Bihan sur la scène de ses débuts l’a conforté dans
son projet fou. Scruter le rire plutôt que l'argent. Aujourd’hui, ce fils
d’avocat, ex-chroniqueur de France Inter et parrain de plusieurs associations
caritatives, déchaîne le public du théâtre Edouard VII, à Paris, dans un
spectacle drôle et bien écrit : « Demaison s’évade ».
A l’instar de son
personnage de voyant-masseur, il nous illumine de ses révélations. Quel est
l’intérêt de vivre au Québec ? D’où vient le cri des indiens ? Pourquoi
parle-t-on d’annales du bac ? Comment tromper sans se faire choper ? Puisant
son inspiration dans les absurdités du monde et de l’imaginaire collectif, il
donne vie à une galerie de portraits déjantés, du golfeur suffisant au cow-boy
cocu, derrière lesquels se cache toujours une part de vérité qui finit en
maxime. Comme une morale de La Fontaine. Avec Demaison, la provocation, voire
la grossièreté, est l’aboutissement d’une virtuosité des mots.
Incontestablement, ses tirades sont citations. La preuve qu’on peut rire de
tout, et même de ce que l’on connait déjà. Mais pas n’importe comment, ni avec
n’importe qui, comme disait Desproges. Du conte pour enfants au spectacle pour
prisonniers, il sait se montrer élégant derrière la crudité.
Pendant une heure
d’évasion, l’humoriste est à la fois acteur et décor, truqueur et bruiteur,
imitateur et danseur, chanteur et mime. Un homme-orchestre à lui tout seul,
relevé par quelques effets de lumière et de musique bien choisis. Face à lui,
un public conquis, jamais exclu de ses sketches. Tendrement séduit par ce
nouveau Père Castor qui sait raconter les histoires horribles comme personne.
Et ce n’est pas Bitou qui dira le contraire.