Après le mariage
pour tous, la sécurité pour personne. Déchirée sur les questions
d'union, de filiation et de gender, la France subit désormais un nouveau coup
de canif dans sa cohésion nationale : l'insécurité. Entre les partisans d'une justice réservée aux magistrats et les adeptes de l'auto-défense, le torchon brûle. A
force de couper notre pays en deux puis en quatre sur tous
les sujets de société, le vivre-ensemble va finir en confettis.
Impossible de renouer avec la croissance sans solidarité. Et le pouvoir
politique joue à l'apprenti-sorcier en déposant des projets de loi
sans véritable pédagogie. A défaut d'être rassembleur, il souffle sur les
braises. C'est la fracturation hypocrite. Une dislocation ciblée des couches
sociales par l'injection de mauvaise foi à haute pression. Une lutte des
classes revisitée.
Soutien au bijoutier
de Nice. En 3 jours, plus d'un million et demi de fans sur Facebook. Les
chroniqueurs du web ont d'abord crié à l'arnaque. Un peu trop vite. Car les
statistiques ont fait vaciller leur expertise. Le nombre de personnes qui
"en parlent" par rapport à celles qui "aiment" est la preuve
qu'il existe bien une réalité derrière le virtuel. Une exaspération derrière
les fautes d'orthographe. Ne reste-t-il plus aux citoyens que le poids du
nombre pour exprimer leur ras-le-bol ? Dimanche dernier, le JDD, imité par
d'autres journaux, faisait le lien entre le succès de cette mobilisation numérique
et la montée du FN. Un raccourci de journaliste pour vendre du papier. Car
les mécontents ne sont pas tous des extrémistes.
Certes l'indignation
est légitime. Il est insupportable qu'un commerçant soit la victime
de plus d'une vague de braquages qui terrorisent une profession et une région.
Insupportable que la délinquance et les trafics en tous
genres gangrènent l'Etat de droit et recrutent dans la rue une
jeunesse désoeuvrée et décomplexée. Insupportable qu'un procureur de la
République suppose, sans expertise balistique, que le bijoutier ait agi par
homicide volontaire, autrement dit avec la ferme intention de tuer, sans tenir
compte du choc émotionnel. Mais insupportable aussi qu'un homme soit mort, au
bout du compte. Les Français sont désormais entraînés dans une spirale de
violence, physique ou verbale. Et le gouvernement, de la place Beauvau à la
place Vendôme, ne paraît plus crédible pour l'enrayer.
Ce matin, Europe 1
s'est pris pour l'anti-chambre du juge d'instruction. Thomas Sotto, le nouvel anchorman, "confrontait" le bijoutier de Nice au frère du braqueur décédé,
par témoignages interposés. Les couteaux tirés à une heure de grande écoute : pas très malin. Irréconciliables, les
auditeurs vont maintenant radicaliser leur position, dans un climat d'injustice et d'irresponsabilité : la fusillade à l'US
Navy qui relance le débat sur la vente d'armes, le violeur franco-suisse qui
pose la question de la libération conditionnelle des récidivistes, le projet de
loi Taubira sur l'exécution des peines,...
Comment dépasser les
sources de clivage ? D'abord il faut rompre avec le mensonge. Dans
un entretien au Monde daté de ce jour, Jean-Marc Ayrault annonce que la pause
fiscale promise par François Hollande pour 2014 ne "sera
effective" qu'en 2015. Encore une occasion manquée de lucidité et
d'honnêteté pour le chef de l'Etat. Et le signe d'une gouvernance qui ne sait pas où elle va. Or, la
stratégie du tâtonnement n'a aucune chance de réenchanter les
Français. Il faut aussi rompre avec le pessimisme. Restaurer la confiance en
donnant la préférence médiatique à des modèles d'espérance et de moralité
auxquels l'opinion publique peut s'identifier : les éducateurs à qui l'on
confie l'avenir de nos enfants, le personnel médical qui résiste à
l'agressivité des voyous aux urgences, les jeunes artisans qui reprennent le flambeau de
leurs aînés, les visionnaires de l'entrepreneuriat qui créent de l'emploi dans
les secteurs porteurs, etc. Des Français qui réussissent, la modestie chevillée
au corps. Des vrais héros, tout simplement. Et arrêtons de glorifier les
médiocres en distribuant des tableaux d'honneur aux footballeurs complexés, aux
cinéastes tyranniques ou aux mannequins amaigris sur Photoshop. Qui est mon prochain ? Une question posée il y a 2 000
ans et qui n'a toujours pas trouvé de réponse.