lundi 8 juillet 2013

Le retour du Jedi

"On verra". Deux mots qui en disent long. Une manière d'éluder la question insistante de Jean-Michel Aphatie sur RTL ? Pas tant que ça. Car même si Alain Juppé pense davantage à Bordeaux, tous les matins en se rasant, il n'a pas dit non aux primaires présidentielles. Le "meilleur d'entre nous" va-t-il se décider à incarner l'un des scénarios possibles de la reconquête du pouvoir par l'opposition en 2017 ? Cela va dépendre de Nicolas Sarkozy qui joue actuellement au Monopoly son retour dans la vie publique, entre la "caisse de communauté" et la "case prison". Quel que soit le candidat, homme ou femme, il prendra nécessairement appui sur autre chose que l'adoubement de ses pairs ou le bilan de la majorité sortante. Il devra être porteur d'un vrai projet de société, chiffré équitablement pour défier ce qu'il restera de la crise et bâti dans l'apaisement sociétal. Encore quatre années pour y parvenir. Une éternité.

Ce dont la France a besoin, c'est une figure paternelle. Et non paternaliste. Le fruit d'une rencontre entre un Père de l'Etat, engendré par les circonstances de l'Histoire, et un peuple, réinvesti des espérances d'un Fils. Mais le scrutin des primaires n'y concourt pas vraiment. La mécanique expérimentée par la gauche en 2011 a donné naissance, plus par défaut que par envie, au "plus petit dénominateur commun". Un levier pour battre l'adversaire. Or, à droite, quel serait l'homme providentiel échappant au processus pré-sélectif ? Bousculé entre les juges et les sages, Nicolas Sarkozy s'emploie à laisser faire par ses proches un travail de victimisation. Bouche cousue et effets de scène alimentent une stratégie du désir. Or, n'y a-t-il pas d'autre alternative au changement qu'un ex-président sous prétexte qu'il a déjà fait le job, avec les succès et les boulettes qu'on lui crédite ? Tant que la statue du commandeur hantera les couloirs de l'UMP, les militants resteront de bons petits soldats.

Jean-François Copé et François Fillon ont déjà passé leur tour. Le premier pour avoir donné l'illusion d'un coup d'état, le second pour ne pas avoir résisté dans la contestation. Sortir du goudron sans y laisser de plumes. Tel était l'enjeu médiatique du combat des chefs. Cependant, dans les sondages, le président de l'UMP reste le mouton noir du psychodrame. Trop carriériste. Pas assez rassembleur. Quand à François Fillon, son image de médecin de campagne le condamne à l'isolement. Pourquoi n'a-t-il pas profité de son R-UMP pour créer un nouveau mouvement de centre-droit capable de fédérer, par babord, les voix de l'UDI, et par tribord, les indignés de la ligne Buisson. Trop tard. En politique, le talent se mesure à la manière de saisir les opportunités à temps.

Alain Juppé fait désormais figure de chevalier Jedi. Sa légitimité gouvernementale et son expérience du désert lui confèrent suffisamment de distance pour se hisser à la hauteur des évènements. La force de résilience est avec lui pour réconcilier chiraquiens et sarkozystes. Mais, hors des frontières de son camp, sera-t-il capable de faire oublier son impopularité des années Matignon ou sa condamnation judiciaire pour emplois fictifs ? C'est pourquoi il joue le désintéressement aux micros des éditorialistes. "On verra". Il sait que pour conquérir le pouvoir, il faut le dépasser. En juin 2011, à Sarran, Chirac avait dit qu'il voterait Hollande, sauf si Juppé se présentait. Il est temps d'éviter à l'ex-locataire de l'Elysée de raconter n'importe quoi. L'humour corrézien ne fait plus rire.