"Pépère est-il
à la hauteur ?" demande Le
Point. "Monsieur Faible" a-t-il inauguré le "temps du
dégoût" ? s’interroge Christophe Barbier dans L’Express. Pour VSD,
Hollande est "l’homme qui n’en savait jamais rien". Le nouvel Observateur titre que la
gauche est "piégée par l’argent". Et le Figaro Magazine décrypte les "mensonges de la
République". Après le "Sarko-bashing", voici le "Hollande-bashing".
Pour vendre du papier, les hebdos n’ont pas leur pareil pour tirer à boulets rouges
sur tout ce qui gouverne. A tort ou à raison. Une posture justifiée ce matin
par FOG sur Europe 1 : "Si vous voulez qu’on dise toujours du bien
de vous et qu’on vous encense en permanence, moi j’ai une solution : ne
soyez pas président de la République." Les dés sont jetés.
Victime
d’une chute de crédibilité dont l’affaire Cahuzac n’a été que le détonateur,
François Hollande est décrié par les médias comme l’homme inexpérimenté, sans
feuille de route, qui s’accroche à des lunes électorales, anti-sociétales, au
détriment des vrais menaces qui pèsent sur notre pays et suscitent l’inquiétude de
nos partenaires européens. Par ce lynchage à la Une, les journalistes se
font-il l’écho d’une opinion publique désabusée ou crient-ils haro sur un quinquennat
qui a brisé des rêves de gauche ? Il s’agit en tous cas d’une crise de
confiance structurelle entre le pouvoir, l’information et la nation. Or, d’après
l’académicien Erik Orsenna, invité de la matinale de Bruce Toussaint ce jeudi, "la confiance ne reviendra que si on dit la vérité". Mais François
Hollande est-il l’homme de la vérité ?
Comment
la classe politique, en général, peut-elle renouer avec un discours de vérité ? En
rhétorique, un orateur doit trouver des arguments, des "moyens de
persuader", ce qu’Aristote (photo) nomme des "preuves". Elles sont au
nombre de trois : l’êthos, le pathos et le logos. Sont-elles ici
réunies ?
L’êthos est la dimension du discours qui
relève de la réputation de l’orateur, de sa probité. Or, cette condition a fait
pschitt. Certains politiques nous mentent. C’est un fait. Et, lorsqu’ils sont
interrogés, ils opposent, par réflexe, un "démenti catégorique",
les "yeux dans les yeux". Ce qui laisse le temps de désamorcer le
drame en coulisses. En passant aux aveux, Jérôme Cahuzac a révélé les failles
d’un système. La politique est un château de cartes où chaque joueur possède un
joker contre un autre pour se défausser en cas d’attaque. L’affaire des comptes
en Suisse fera-t-elle plier l’édifice ? Le jeu de la vérité, initié par le "traître" de la bande, sera peut-être l’occasion d’une purge
démocratique.
Seconde
dimension, le pathos. Dans cet
exercice des émotions que l’orateur doit susciter, le président Hollande
s’efforce de passer maître. Ses interventions télévisées, qu’elles soient
préparées ou impromptues, tendent à le démontrer. Le "Moi Président" avait fait mouche en campagne. Lui reste-il des reliquats de passion qui galvaniseraient encore la
foule ? Le mythe de la "présidence normale" avait une promesse : rompre avec la "courtisanerie" pour rendre le chef de
l’Etat plus accessible, plus transparent, plus humain. Un idéal hélas impossible
à incarner tant la fonction exige, par son histoire, une distance quasi monarchique
avec ses compatriotes. Jetée en pâture dans les rues de Dijon, la normalité a fait tomber la veste du
commandeur. Ainsi, dans un climat de déception, inutile de prendre des accents churchilliens en appelant le peuple au "sang
et aux larmes". Les Français sont frappés d’anhédonie. Ils attendent
l’électrochoc qui réveillera leur conscience : un remaniement, une démission
soumise à référendum, une dissolution ? Tout sauf un discours aseptisé.
C’est
ce que permet le logos, troisième
dimension qui porte sur l’argumentation elle-même, c’est-à-dire le bien–fondé
des informations qui convainquent l’auditeur. Cependant, pour qu’il y ait un orateur
et son contradicteur, il faut un débat où chaque partie est respectée.
Dans ce domaine, nos représentants ont encore du chemin à parcourir. Sur les
bancs de l’Assemblée ou du Sénat, les idées semblent plus assujetties à des
calculs personnels qu’à des enjeux collectifs et moraux. Les reformes engagées
sont-elles lucides, éthiques et mesurées ? Pour preuve, le projet de loi sur le
mariage homosexuel fracture la France en deux et attise les humeurs, en particulier sur les lignes de front
où s’opposent les plus radicaux de chaque camp. D’où une montée d’actes
violents et marginaux à soustraire de toute récupération politique. Dans cette
escalade des maux, qu’adviendra-t-il des mots ? La vérité peut-elle
émerger de l'écoute ? Il est urgent pour le président de la République de
ne pas couper l’Etat de sa base. De ne pas cliver élus et électeurs. De donner
de la place au débat public en assurant aux citoyens l’équité de parole. Car si
la dialectique est en deuil, la communication ne résoudra pas tout.
Êthos,
pathos et logos. Trois clefs pour la vérité. Le gouvernement, sa majorité, le chef de l’Etat et, pourquoi pas, les membres de l’opposition devraient tous méditer sur ces trois
piliers de la pensée grecque et latine, résumée par Cicéron en ces
termes : "prouver la vérité de ce qu’on affirme, se concilier la
bienveillance des auditeurs, éveiller en eux toutes les émotions qui sont
utiles à la cause". Pour que la France n’éteigne pas ses Lumières au
moment où la maison brûle.