mercredi 20 mars 2013

Le pingouin ou l'autruche ?

Dans une lettre adressée à ses ouailles, Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, rappelle les raisons de la mobilisation contre le projet de loi Taubira sur le "mariage et l’adoption pour les couples homosexuels". Son message met en lumière le déni de réalité avec lequel le gouvernement et la plupart des médias ont traité l’ampleur du mouvement. Des chiffres de participation sous-évalués, des pétitions jugées irrecevables et un débat vidé de toute perspective morale. Le déni de réalité a pris la tournure d’un déni de démocratie tant les actes posés par les anti-mariage gay, guidés par le collectif de la "Manif pour tous", ont été entravés par des gestes purement politiques. L’imbroglio sur le parcours de dimanche prochain, à Paris, en est l’illustration la plus récente.

Et pourtant, l’enjeu reste une « réforme de civilisation » dans laquelle le désir d’enfant n’a toujours pas trouvé sa justification. C’est pourquoi l’Eglise, à l’instar du diocèse basque, joue pleinement son rôle pour éveiller les consciences, dans l’inspiration de Benoît XVI et de son successeur, le pape François, qui connaît bien le sujet pour s’y être farouchement opposé en Argentine il y a trois ans. A cette époque, il dénonce une « volonté de détruire le plan de Dieu ». Or, à l’orée des fêtes pascales, c’est à la dignité de la création et au respect de la vie naissante que nous invite la marche du 24 mars, jour des Rameaux. Quelle juste coïncidence : la chronologie liturgique entre en résonance avec le temps sociétal.

Quant à la motivation des troupes, les organisateurs ne ménagent pas leur peine, même si le plan de com’ frise parfois l’overdose marketing. C’est là toute l’ambiguïté de l’opposition. Une configuration quasi militaire : en première ligne, du théâtral pour focaliser l’attention des journalistes ; et à l’arrière, de grands témoins de la culture, des religions, des milieux associatifs et des institutions pour donner du sens. Or, la forme occultant souvent le fond dans les journaux télévisés, l’événement risque le sur-jeu.

Cela dit, la majorité et les pro-mariage gay, virtuoses de l’omerta ou de la mauvaise foi, pourront s’évertuer à mettre un couvercle sur la contestation ou donner une image négative du cortège, ils ne bâillonneront jamais ce nouveau contre-pouvoir que représentent aujourd’hui les réseaux sociaux. Privée d’antenne, la mobilisation s’est désormais soulevée de l’intérieur. Silencieuse mais non muselée. Ainsi, dans sa politique de l’autruche, ce n’est pas une déferlante que doit craindre le président de la République, déjà bien mal en point sur la banquise des sondages, mais un véritable tsunami tant le socle de notre société sera ébranlé par le fond. Jusqu’aux urnes.