lundi 14 janvier 2013

Déni de démocratie ?

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340 000, 800 000 ou plus d’un million ? La guerre des chiffres a commencé, avec celle des nerfs. Quel que soit le nombre labellisé, les opposants au projet de loi sur le "mariage pour tous" se sont fait remarquer en battant ce dimanche le pavé parisien jusqu’au pied de la Tour Eiffel. Se feront-ils entendre ? Car, le président Hollande a beau profiter d’un détournement d’attention avec l’intervention militaire au Mali, il ne pourra feindre bien longtemps l’impassibilité devant l’ampleur de la mobilisation. Le déni de démocratie coûte cher.

La comptabilisation des manifestants a une fois encore suscité la querelle : 340 000 selon la police, plus d’un million selon les organisateurs. Comment la préfecture peut-elle officialiser un tel écart sinon par hypocrisie ? Aurait-elle la mémoire courte ? 14 juillet 1995, Jean-Michel Jarre célébrait au Champ-de-Mars le cinquantenaire de l’UNESCO par un concert pour la Tolérance : 1,5 millions de personnes. En 1997, 500 000 personnes y accueillent le pape Jean-Paul II pour le lancement des 12èmes Journées Mondiales de la Jeunesse. Quant à son concert gratuit le 10 juin 2000, Johnny Halliday attire plus de 600 000 spectateurs. Des taux de remplissage comparables à ceux d’hier. En effet, si des hélicoptères s’étaient donné la peine de survoler les lieux avant la tombée de la nuit, les autorités auraient mieux vu l'évidence. Rarement dans son histoire contemporaine, la vingtaine d’hectares qui s’étendent entre la Tour Eiffel et l’Ecole militaire ont été autant occupés pour un rassemblement populaire. Cette manifestation a fait la démonstration de son succès, à la hauteur de l’enjeu qu’elle défend.

Et pourtant, des voix se sont élevées, dont celle de Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, pour en minimiser l’impact, répétant que la "Manif pour tous" n’infléchirait pas d'un cil la détermination du gouvernement face à un mouvement qualifié de partisan. Sous-entendu la position d’une idéologie bourgeoise de droite, à majorité catholique, ne saurait peser sur le débat. Faut-il en conclure que François Hollande est prêt à assumer une France coupée en deux après en avoir fait lui-même le reproche à son prédécesseur sur des questions de justice sociale ? N’est-ce pas le même François Hollande qui, en 2006, alors député de Corrèze et premier secrétaire du PS, avait demandé à Dominique de Villepin de retirer son CPE pour "entendre le message de la raison" face au poids de la rue ?

Enfin, le festival de mauvaise foi ne doit pas occulter le fait que, pour la majorité présidentielle, le "mariage pour tous" est avant tout un marqueur électoral, plus qu'un progrès de société. Lorsque le PACS a été voté en 1999, il devait permettre l’union civile entre deux personnes majeures, indépendamment de leur sexe. Un geste d’ouverture qui a favorisé la création d’un cadre juridique pour les couples homosexuels. Or, en 2010, selon l’INSEE, les Pacs de même sexe ont représenté 4,5% de l’ensemble des Pacs. Alors pourquoi modifier le mariage civil sinon pour répondre à une promesse de campagne ? Les sondages illustrent un manque criant de pédagogie. Car si 56% des Français sont favorables au mariage gay, 50% s’opposent à l’adoption. Or, en toile de fond, c’est bien le droit à l’enfant qui est en jeu. D’où le risque d’une marchandisation de la vie humaine par la pression d’une minorité. En l’absence du principe de précaution, notre pays ne peut se permettre un passage en force sans calculer les conséquences pour les générations futures.

Liberté, égalité, fraternité. C’est la devise de la République. Or, toutes les libertés individuelles n’exigent pas des égalités. Sinon, c’est la fraternité qui se disloque. Le président de tous les Français devrait y songer. Surtout en se rasant.