Loin de la chanson de Brassens, l’histoire
du radeau est un opéra tragique. Le théâtre d’une humanité condamnée au
jugement dernier. Des hommes privés d’espoir qui se livrent à des actes de
cruauté. Sur les quelques 150 marins et soldats, entassés sur ce radeau de
fortune après le naufrage de la Méduse en 1816, seule une poignée d’hommes
survivront pour témoigner de l’horreur. Devant la reproduction du tableau gigantesque
de Théodore Géricault, dont la genèse fut à l’honneur d’une exposition à Clermont-Ferrand,
je me suis demandé si notre société en pleine galère n’allait pas se réveiller
en septembre avec la gueule de bois, après une traversée insouciante de la
période estivale et caniculaire. Le naufrage ne guette-t-il pas les Français,
tant le lien social est fragile et le pessimisme de rigueur ? Et que
ferons-nous une fois embarqués sur un radeau à la dérive, vestige rafistolé
d’une croissance en peine ? Allons-nous nous entretuer comme des
ivrognes ? Autopsié dans ses moindres nuances, le "Titanic" de
Géricault ne laisse pas indifférent. Ses multiples lectures, artistique,
philosophique et politique, nous révèlent la fragilité de la conscience humaine.
Le prix de notre vanité.
Bonne soirée, bonsoir
Jean-Luc Delarue est mort. La
rumeur se propage sur les réseaux sociaux. Encore un canular ? Ça se
discute. Mais la rumeur devient très vite une information. Alors, je me dis : merde,
pas lui... 48 ans, saloperie de cancer ! A l’annonce de son décès, le surdoué
du PAF, devenu gendre idéal puis enfant terrible du petit écran, fait presque
figure de bon copain. Le spectateur vient de perdre un membre de sa famille cathodique, une grande famille. Comme si
chacun de nous avait une histoire avec lui, toute une histoire. C’est sans
doute son excellence dans l’art de manier l’empathie qui le rendait si
attachant, presque complice. Ses émissions confessionnelles offraient un visage
humain aux anonymes, aux marginaux, aux excentriques et aux cassés de la vie. Avec lui, le
respect de la dignité était plus fort que la tentation du voyeurisme. Un
exemple que n’a pas suivi la télé-réalité, une télé-poubelle. C’est son choix. Je
n’oublierai pas son débit mitraillette. Son "bonne journée,
bonjour" qui me réveillait chaque matin sur Europe 1 avec Albert Algoud
et Jean Boissonnat. Et ses démons n’enlèveront rien au charme de l’animateur, ni à son exigence de qualité. C’est
le privilège des disparus de ne laisser qu’une bonne image d’eux-mêmes.
Oiseau de mauvaise augure
La tête dans le cloud mais les pieds sur terre. Les
grandes vacances ont-elles été l’occasion de réapprendre le sens du vivre
ensemble ? Car un petit piaf bleu a bouleversé les relations humaines. Xavier Giannoli, réalisateur de Superstar,
avec Kad Merad et Cécile de France, dénonce la perversion des réseaux sociaux dans un entretien accordé à l’Express du 22 août : « Un autre cliché consiste à dire qu’il n’y a
plus de vie privée. Je pense plutôt qu’il n’y a plus de vie publique. Je
m’explique. La vie publique est un moment où chacun se soumet à un certain
nombre de règles afin que vivre ensemble soit possible. Aujourd’hui, ces règles
sont mises en pièces par les réseaux sociaux, qui ont décuplé un narcissisme
délirant où l’individu est persuadé que son quotidien intéresse tout le monde.
Cet exhibitionnisme m’effraie. C’est le signe d’un profond désarroi. Vivre
ensemble, c’est faire place à la nuance. » Et au réel ! Il est
urgent de réincarner les rapports sociaux ! L'existence 2.0 souffre d’un
trop-plein d’opacité et d’égoïsme. Moins d’écrans, plus de temps
pour les autres. La vie virtuelle s’efface en un clic. Pas la mémoire des vraies
rencontres.
Présidence pouet-pouet
Depuis son retour de Brégançon,
le Président patine. L’opinion râle. La presse fustige. Sur la pente glissante
des sondages, nos gouvernants se trompent de priorités. Ce ne sont pas les
quelques gouttes d’économie à la pompe ou la fin du cumul des mandats qui
auront raison de la montée du chômage et de la désindustrialisation. Peu importe que le président prenne le train ou passe à la FNAC pour
ses congés, la "normalité" prend trop de temps. Après le
bling-bling, c'est le pouet-pouet. Façon Bourvil. Décidément, le nouveau locataire de l’Elysée
n’est pas à la hauteur de la crise. Une « crise d’une gravité
exceptionnelle, une crise longue, qui dure depuis maintenant plus de quatre
ans » a souligné le chef de l’Etat en visite à la foire de
Châlons-en-Champagne le 31 août, rompant ainsi avec sa ligne anti-sarkozyste
dont la mécanique de campagne consistait à attribuer tous les maux de la France
à la politique de son prédécesseur. Détricoter ou raccommoder les reformes de la
droite : à la Rochelle, Martine Aubry a filé la métaphore. Mais, ni les jeux de mots ni les leçons de morale ne feront oublier la
tiédeur des mesures gouvernementales.