vendredi 31 août 2012

Médusé !

Le radeau de la Méduse

Loin de la chanson de Brassens, l’histoire du radeau est un opéra tragique. Le théâtre d’une humanité condamnée au jugement dernier. Des hommes privés d’espoir qui se livrent à des actes de cruauté. Sur les quelques 150 marins et soldats, entassés sur ce radeau de fortune après le naufrage de la Méduse en 1816, seule une poignée d’hommes survivront pour témoigner de l’horreur. Devant la reproduction du tableau gigantesque de Théodore Géricault, dont la genèse fut à l’honneur d’une exposition à Clermont-Ferrand, je me suis demandé si notre société en pleine galère n’allait pas se réveiller en septembre avec la gueule de bois, après une traversée insouciante de la période estivale et caniculaire. Le naufrage ne guette-t-il pas les Français, tant le lien social est fragile et le pessimisme de rigueur ? Et que ferons-nous une fois embarqués sur un radeau à la dérive, vestige rafistolé d’une croissance en peine ? Allons-nous nous entretuer comme des ivrognes ? Autopsié dans ses moindres nuances, le "Titanic" de Géricault ne laisse pas indifférent. Ses multiples lectures, artistique, philosophique et politique, nous révèlent la fragilité de la conscience humaine. Le prix de notre vanité.

Bonne soirée, bonsoir

Jean-Luc Delarue est mort. La rumeur se propage sur les réseaux sociaux. Encore un canular ? Ça se discute. Mais la rumeur devient très vite une information. Alors, je me dis : merde, pas lui... 48 ans, saloperie de cancer ! A l’annonce de son décès, le surdoué du PAF, devenu gendre idéal puis enfant terrible du petit écran, fait presque figure de bon copain. Le spectateur vient de perdre un membre de sa famille cathodique, une grande famille. Comme si chacun de nous avait une histoire avec lui, toute une histoire. C’est sans doute son excellence dans l’art de manier l’empathie qui le rendait si attachant, presque complice. Ses émissions confessionnelles offraient un visage humain aux anonymes, aux marginaux, aux excentriques et aux cassés de la vie. Avec lui, le respect de la dignité était plus fort que la tentation du voyeurisme. Un exemple que n’a pas suivi la télé-réalité, une télé-poubelle. C’est son choix. Je n’oublierai pas son débit mitraillette. Son "bonne journée, bonjour" qui me réveillait chaque matin sur Europe 1 avec Albert Algoud et Jean Boissonnat. Et ses démons n’enlèveront rien au charme de l’animateur, ni à son exigence de qualité. C’est le privilège des disparus de ne laisser qu’une bonne image d’eux-mêmes.

Oiseau de mauvaise augure

La tête dans le cloud mais les pieds sur terre. Les grandes vacances ont-elles été l’occasion de réapprendre le sens du vivre ensemble ? Car un petit piaf bleu a bouleversé les relations humaines. Xavier Giannoli, réalisateur de Superstar, avec Kad Merad et Cécile de France,  dénonce la perversion des réseaux sociaux dans un entretien accordé à l’Express du 22 août : « Un autre cliché consiste à dire qu’il n’y a plus de vie privée. Je pense plutôt qu’il n’y a plus de vie publique. Je m’explique. La vie publique est un moment où chacun se soumet à un certain nombre de règles afin que vivre ensemble soit possible. Aujourd’hui, ces règles sont mises en pièces par les réseaux sociaux, qui ont décuplé un narcissisme délirant où l’individu est persuadé que son quotidien intéresse tout le monde. Cet exhibitionnisme m’effraie. C’est le signe d’un profond désarroi. Vivre ensemble, c’est faire place à la nuance. » Et au réel ! Il est urgent de réincarner les rapports sociaux ! L'existence 2.0 souffre d’un trop-plein d’opacité et d’égoïsme. Moins d’écrans, plus de temps pour les autres. La vie virtuelle s’efface en un clic. Pas la mémoire des vraies rencontres.

Présidence pouet-pouet

Depuis son retour de Brégançon, le Président patine. L’opinion râle. La presse fustige. Sur la pente glissante des sondages, nos gouvernants se trompent de priorités. Ce ne sont pas les quelques gouttes d’économie à la pompe ou la fin du cumul des mandats qui auront raison de la montée du chômage et de la désindustrialisation. Peu importe que le président prenne le train ou passe à la FNAC pour ses congés, la "normalité" prend trop de temps. Après le bling-bling, c'est le pouet-pouet. Façon Bourvil. Décidément, le nouveau locataire de l’Elysée n’est pas à la hauteur de la crise. Une « crise d’une gravité exceptionnelle, une crise longue, qui dure depuis maintenant plus de quatre ans » a souligné le chef de l’Etat en visite à la foire de Châlons-en-Champagne le 31 août, rompant ainsi avec sa ligne anti-sarkozyste dont la mécanique de campagne consistait à attribuer tous les maux de la France à la politique de son prédécesseur. Détricoter ou raccommoder les reformes de la droite : à la Rochelle, Martine Aubry a filé la métaphore. Mais, ni les jeux de mots ni les leçons de morale ne feront oublier la tiédeur des mesures gouvernementales.