Avec le TGV low-cost, la SNCF aurait-elle trouvé un remède à la crise ? La direction planche actuellement sur un nouveau modèle économique baptisé "Projet Aspartam", du nom de cet édulcorant, synonyme de light : "moins de calories, un goût trompeur". S'il s'avère efficace, et surtout faisable syndicalement parlant, il pourrait voir le jour au premier trimestre 2013 sur la ligne reliant Marne-la-Vallée à Marseille et Montpellier et passant par Lyon Saint-Exupéry.
Pourquoi ce choix ? Malgré ses trente ans d'exploitation, le TGV est aujourd'hui moins rentable. Autrefois vache à lait pour couvrir les lignes déficitaires, le TGV est, plus que jamais, challengé par la route et l'avion. En outre, l'alourdissement de la facture s'explique aussi par l'envolée des tarifs des péages payés par la SNCF à Réseau Ferré de France (RFF), propriétaire des rails. Ainsi, des projets seraient menacés dont la ligne Paris-Orléans-Clermont-Lyon qui agite la communauté auvergnate.
Jusqu'en 2018, la SNCF dispose d'une visibilité sur les péages payés à RFF. D'ici là, elle est condamnée à revoir les priorités dans ses investissements. D'une part, rénover son parc de TGV en négociant de nouvelles rames avec Alstom. D'autre part, "mieux articuler les horaires de TGV avec les autres trains, afin d'augmenter les taux de remplissage" selon la formule de Guillaume Pépy, le PDG de la SNCF, un patron dont le salaire ne fait pas polémique. Exit donc les tronçons soumis à débat public comme celui de la campagne normande, celle du centre de la France ou de la Riviera. Enfin, développer de nouveaux services, notamment dans la restauration, et auprès des familles et des seniors.
Où trouver de l'argent ? Après Renault et Easyjet, la SNCF lorgne sur le low-cost, un modèle économique qui fait école. La stratégie choisie par d'autres entreprises a-t-elle été profitable ? Dans les années 90, lorsque Louis Schweitzer, alors patron de Renault, fait le pari du véhicule à bas coût, il annonce publiquement ses intentions en 1998 sans en référer à l'interne. Au pied du mur, l'entreprise n'a d'autre choix que de suivre. Avec la Logan à 5 000 euros, l'ère Dacia s'ouvre sur les pays émergents. Un succès commercial pour Renault. Et pourtant, un déficit d'image sur ses propres terres. La légitimité du constructeur français sur le haut de sa gamme ne s'est-elle pas détériorée à cause du bas-de-gamme ? D'où l'empressement de Renault de lancer une nouvelle révolution : celle du véhicule électrique, plus flatteuse pour la marque au losange. Et de rassurer ses clients sur l'excellence technologique de ses moteurs. Quant à Easyjet, l'avion à bas coût fait recette. Néanmoins, le cheap ne doit pas rimer avec danger. La compagnie britannique a dû ainsi multiplier les campagnes de communication pour tranquilliser les clients sur la qualité de ses avions et son intransigeance en matière de sécurité.
Alors, où réduire les charges sans toucher aux organes vitaux ? A la SNCF, le projet Aspartam détaille des pistes de rentabilité. Objectif : capter de nouveaux clients et, pourquoi pas, révolutionner l'organisation du travail des salariés dont les avantages suscitent souvent l'indignation de l'opinion publique.
Voyageur, pour bénéficier d'un tarif low-cost en TGV, tu devras : 1/ prendre le train depuis une gare périphérique (dont la redevance est moins coûteuse que la gare de centre-ville mais faut y aller...) ; 2/ voyager en seconde (suppression du confort 1ère classe. Quid de la prise électrique ?) ; 3/ apporter son casse-croûte (fin de la restauration à bord) ; 4/ voyager léger (un seul bagage par personne. Supplément au-delà) ; 5/ réserver sur internet (billet non remboursable ni échangeable) ; 6/ être contrôlé avant l'accès à bord.
Contrôleur, pour comprimer les prix de ton entreprise, tu devras : 1/ être polyvalent ; 2/ dormir chez toi et non plus dans ta ville d'arrivée (fin de l'indemnité de découchage, jusqu'à plusieurs centaines d'euros par mois) ; 3/ respecter ton temps de repos à la voiture-bar, reconvertie en salle de repos.
Cheminot, pour accompagner ce changement, tu devras participer au nettoyage des rames.
Enfin, pour augmenter le taux de circulation des rames dans l'année, le matériel roulant devra être entretenu de nuit, par des employés volontaires, moyennant une prime.
Avec l'offre TGV low-cost, la SNCF espère ainsi convaincre les mordus de leur voiture tout en faisant bouger les lignes... syndicales ! L'expérience sera-t-elle concluante au risque de désacraliser le train préféré des Français ? Un TGV "normal", quoi ! En attendant, pour bénéficier du meilleur prix, sans rogner sur la qualité de service, la solution reste de prendre son billet très à l'avance. L'anticipation, antidote contre la crise ?
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