lundi 18 juin 2012

La malédiction de la Rochelle

Victor Hugo appelé à la rescousse ! Brisant l’embargo de 20h, l’écho d’une voix romanesque a résonné à la Rochelle. Point d’orgue de ces élections législatives, le mot "trahison" a fait trembler les tours du Vieux-Port. Pour annoncer sa défaite, sans faire ombrage à la déferlante rose, Ségolène Royal n’a pas ménagé son style. A l’antenne, pour les ténors de son parti, c’était l’agneau pascal contre la brebis galeuse. Pour ses adversaires, l’inverse. Or, même relative, la chute de Ségolène Royal n’en reste pas moins symbolique.

On aurait dit Jacques de Molay sur le bûcher, le dernier grand maître des templiers qui, en 1314, au moment de périr sous les flammes, aurait prononcé cette célèbre imprécation : « Pape Clément ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races ! ». Combien de personnalités du monde médiatique et politique, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, ont été visées par la complainte du soldat rouge ? Sans doute, est-ce toute la classe politique française, à commencer par l’autorité gouvernementale, qui sera marquée du sceau de cette malédiction.

Avec les pleins pouvoirs, la gauche est condamnée à relever la France de la crise. Surtout, donner le cap des valeurs pour les générations futures, et non en briser le socle, sans faillir aux promesses démagogiques de présidence "normale". Quant à la droite, faute de pouvoir de blocage, elle devra exercer son opposition par l’interpellation de l’opinion publique et la pédagogie des risques. Rebâtir son nouveau projet de société pour 2017. Rétablir la confiance et la solidarité, autrefois marque de fabrique des grands rendez-vous de l’histoire.

Enfin, l'abstention est sans aucun doute le premier marqueur de cette malédiction politique. Les citoyens ne se reconnaissent plus dans leurs élus. Et la plupart ont payé le prix d’un manque de sincérité idéologique : François Bayrou, Jacques Lang, Nadine Morano, Jean-Luc Mélenchon et surtout Marine Le Pen, renvoyés à leurs tactiques nombrilistes. Une fois de plus, le verdict des urnes a éclairé le fossé entre Paris, où tout se décide, et les régions, où tout se mérite. Face aux enjeux qui l'attendent, le pays d'Astérix n'a pas dit son dernier mot.