Elu d’une courte avance (51,62%), François Hollande a gagné la bataille de l’anti-sarkozysme. Et après ? Comment le nouveau chef de l’Etat va-t-il rassembler les Français, divisés en trois courants depuis le 1er tour, et transformer en vrai projet de société la mobilisation de ses électeurs contre le Président sortant ? Quasiment inconnu du public avant les primaires et sans expérience gouvernementale, le président socialiste permet à la gauche de revenir au pouvoir, 31 ans après la première victoire de François Mitterrand.
Hier soir, pour la moitié des Français, le temps était à la fête, place de la Bastille. Une euphorie cathartique certes relevée d'une Marseillaise mais privée de drapeaux tricolores. Pourtant, le choix du lieu est une référence forte à la Révolution Française. La Révolution, parlons-en ! Un marqueur idéologique souvent brandi pour incarner la liberté mais qui, par son instrumentalisation d’une partie du peuple contre l’autre, n’a pas fait que du bien à notre Histoire tant la collusion fut brutale.
Après la fête, cette bulle d’insouciance, c’est le temps des réalités qui rattrape aujourd’hui notre pays, maintenant que la campagne est achevée. Réalité économique d’abord puisque la crise n’est pas finie, que le poids de la dette menace notre croissance et que nos voisins européens ont révélé le pire des scénarios catastrophe. Nous sommes loin d’en être préservés, malgré les mesures de Nicolas Sarkozy et d’après celles du programme PS. Réalité internationale ensuite qui va éprouver la stature présidentielle et la capacité d’influence de François Hollande sur ses homologues étrangers. Si Merkel et Obama ont appelé Hollande pour le féliciter, c’est aussi pour le mettre en garde : comment va-t-il conduire le changement dans la continuité ? Une gymnastique diplomatique épineuse l’attend. Réalité humaine enfin puisque cette élection sonne comme la promesse d’un nouveau pacte social. Espérons qu’il ne rime pas avec chèque en blanc signé à certains corporatismes dont les positions ébranleront durablement les fondements de la famille et du respect de la vie. Hier soir, il flottait comme un inquiétant parfum de "tout est permis", bien loin du constructif "tout est possible".
Sans vouloir paraître mauvais joueur, cette victoire de François Hollande peut être attribuée à l’arbitrage du vote blanc, une voie vicieuse empruntée par Marine Le Pen. Près de 6% des électeurs auraient fait ce non-choix. Or, d’après les enjeux qui nous attendent, était-ce bien raisonnable d’esquiver ainsi la prise de décision, même si aucune des deux options ne contentait les indécis ? D’autant que les partisans du blanc et du nul seront certainement les premiers à se plaindre d’une politique pour laquelle ils n’ont pas donné mandat. Mais c’est comme ça : les Français aiment le zapping politique, l’alternance sur des critères souvent émotionnels, l’humeur du moment entretenue par des médias loin d’être honnêtes dans leurs témoignages.
Cependant, restons démocratiques ! Oublions pour un temps les surnoms alimentaires au risque d’abîmer la fonction présidentielle. François Hollande a été élu au suffrage universel. Souhaitons-lui bonne chance car il sera jugé sur son cap, ses actions et sa moralité. Nous y veillerons. Tiendra-t-il ses équipes qui piaffent d’impatience de réinvestir les bureaux de l’Etat, de Matignon au perchoir, sans donner l’impression d’une revanche sur l’histoire ? La droite renaîtra-t-elle de ses cendres malgré la perspective des législatives où les sondages promettent déjà des triangulaires ? D’autres acteurs, valeurs montantes du service public, incarneront-ils le vrai changement que la France est en droit d’espérer au lieu d’une vieille soupe réchauffée ?
Hier soir, bien loin du Fouquet’s, le vainqueur a célébré sa victoire sur ses terres corréziennes, au son de l’accordéon. Un choix symbolique plutôt malin tant l’ancrage dans le terroir l’emporte sur l’arrogance parisienne. Pourtant, même si les militants attendaient leur champion avec impatience, il aurait été plus judicieux de rentrer directement à Paris en Scenic plutôt qu’en Falcon…