Certains oiseaux de mauvais augure, alléchés par l’odeur des sondages, avaient pronostiqué, pour le premier tour, un "21 avril à l’envers", soit une finale Hollande – Le Pen. Or, bien que Nicolas Sarkozy se soit positionné en seconde place, talonnant son adversaire socialiste, la candidate du FN va jouer un rôle décisif, voire inéluctable, sur la campagne de l’entre-deux tours. Un arbitrage en défaveur du président sortant. Car, depuis dimanche, François Hollande additionne les certitudes tandis que Sarkozy cumule les doutes.
S’il est incontestable que les voix du Front de gauche et des Verts se reporteront sur le candidat du PS, il est plus incertain que les partisans de François Bayrou et de Marine Le Pen fassent le choix de l’UMP au second tour. Les premiers, parce que le leader du Modem n’a cessé de dénoncer la bipolarisation des partis. Il ne peut donc plus donner de consigne de vote claire et crédible à ses électeurs. Libres de la parole béarnaise, la plupart feront le choix de la gauche, par magnétisme intellectuel. Les seconds, issus de l’électorat populaire déçu par les promesses non tenues du quinquennat, refuseront de signer un chèque en blanc. Pour les artisans de la France silencieuse et souffrante, la reconduction du sortant ne serait pas la solution pour s’attaquer aux vraies racines de la crise. En croient-ils Hollande capable ? Pas davantage. Marine Le Pen qui a désormais les législatives en ligne de mire profiterait d’une défaite de Sarkozy pour bâtir une nouvelle alternance à droite sur les ruines de l’UMP. Voilà le calcul : faire perdre pour gagner plus tard.
En déjouant les pronostics, les Français ont sanctionné l’arrogance. Celle de l’argent, du pouvoir, des leçons de morale et des inégalités. A moins d’une nouvelle surprise ou d’un autre coup de tonnerre médiatique, la logique donne plutôt François Hollande vainqueur, mais d’une courte majorité.
Pourtant, avant l’affaire DSK, Hollande n’existait pas. Ce sont des pulsions et des primaires qui l’ont révélé au grand public et hissé en haut du mât socialiste comme seul étendard présidentiable capable de faire barrage à Sarkozy. Sans expérience gouvernementale, c’est un candidat par défaut, formé en quelques mois de campagne comme un produit marketing, qui entrerait à l’Elysée. Au-delà de la critique et de la charge émotionnelle du discours sur le changement, est-il capable d’apporter un vrai projet de société à la France ? Celui qui veut s’attaquer aux marchés financiers et remettre en cause les engagements européens s’imposera-t-il sur la scène internationale ? La gauche a-t-elle le souci de présider la France, dans la continuité des reformes structurantes, ou seule compte la récupération de tous les pouvoirs pour renverser la vapeur, quoi qu’il en coûte ? Les intentions demeurent impénétrables jusqu’au jour de la vérité.
D’ici là, à égalité de temps de parole, Nicolas Sarkozy va s’efforcer de se rendre plus audible pour mettre à jour les faiblesses de son concurrent. Y parviendra-t-il sans tomber lui-même dans le piège de la tactique électoraliste ?