Invité du plateau de Laurent Delahousse, à 13h15 le dimanche sur France 2, le chroniqueur Alain Duhamel a déclaré que le tournant de la campagne était ce week-end. Et il avait raison. Tout s'est joué dimanche comme si le président-candidat lançait un dernier baroud d'honneur, lequel n'a pas manqué de style. Trop peut-être ? Contrepoids au Bourget, le meeting de Villepinte est l’un des trois coups de semonce envoyés par Nicolas Sarkozy aux Français qui doutent. Quelle résonance ont-ils ?
Une salle gigantesque, une scène démesurée, des milliers de militants galvanisés. Quel sens donner à ce grand show hollywoodien auquel s'est prêté l'UMP, de Bernadette Chirac à Gérard Depardieu ? C'est un roc ! C'est un pic ! C'est un cap ? Les électeurs comprendront que Nicolas Sarkozy a besoin de resacraliser la fonction présidentielle qu'il avait écornée pendant l'état de grâce de son quinquennat. Mais cela doit-il passer par le pastiche d'un couronnement ? N'y a-t-il pas un décalage entre le candidat à visée "humaniste", proche des gens, soucieux de ne pas donner l'image du président des excès, et ce péplum millimétré, contrôlé et sans âme ? Plus grande est la scène, plus l’homme paraît petit. Simple question de perspective.
Le second coup de semonce est venu de confidences. A la question "quittera-t-il la politique s'il n'est pas réélu ?", Nicolas Sarkozy a répondu "oui", sans hésiter. Et son épouse d'imaginer, à mots couverts, retourner à une vie normale. Sans doute la vie de famille épanouie qui lui a manquée en 2007 ? Or, dans ce présage d’une vie après l’Elysée, les Français lisent-ils la simple hypothèse d'un stratège qui anticipe tout ou le désir inconscient de celui qui accepte déjà la défaite ? Tout président battant, candidat à sa propre réélection, n’évoque pas le lendemain qui déchante quand il est sûr de gagner. Même dans une tactique du désespoir. A moins de prendre cette option pour une fatalité. Alors, président sortant ou président sorti ?
Le troisième est son programme. A la radio et à la télévision, Nicolas Sarkozy multiplie des mesures-choc, un "tapis de bombes" selon l’expression de son parti dans l'espoir qu'elles ne soient pas puantes. Après le temps du mea culpa, voici celui du bilan et de la légitimité dans l'expérience. Où est la cohérence ? A-t-il un projet de société pour la France, pour l'Europe, contre la crise ? En 2007, c'était le "travailler plus pour gagner plus". Et maintenant ? Ni lui, ni François Hollande n'ont encore convaincu sur un vrai projet structurant. Tout juste sont-ils les chefs d'orchestre d'une incroyable campagne de communication. Un jeu bipolaire à coups de sondages dont les autres candidats profitent, comme les arbitres du premier tour.
Ce matin, les courbes se sont croisées. Les deux taureaux de la fable s’affrontent pour la Génisse et l’empire. Pendant ce temps, les grenouilles commentent le match, avant qu’elles ne soient écrasées. La Fontaine avait vu juste : « Hélas ! On voit que de tout temps, les petits ont pâti des sottises des grands ».