jeudi 6 octobre 2011

Le manège désenchanté

Philippe Wojazer (AFP)
Jean-Louis Borloo n'est pas candidat. François Bayrou, si. Ce chassé-croisé augure une campagne présidentielle peu excitante pour 2012 par son manque d'inventivité. De Bruno Le Maire à Manuel Valls, les quadras rentrés dans le rang ont le pied sur le frein. Or, à défaut de têtes nouvelles, la course à l'Elysée pourrait bien sentir la rengaine et puiser ses ressorts dans la même lutte des egos. C'est le prix de notre impatience pour 2017.

A droite, les boules puantes, luttes intestines et autres vengeances d'épouses bafouées alimentent une forme d'atavisme autour de Nicolas Sarkozy : le côté obscur de la politique refait surface. Nuisances électorales ou promesses non tenues, les affaires de mallettes ne sortent pas au hasard. Et malgré leur but nauséabond, elles sont criantes de vérité. Sinon, comment expliquer le grand déballage médiatique des amis d'autrefois et la danse macabre des juges ?
A gauche, l'exercice de style des primaires arrive à son terme. Au-delà du buzz, elles auront donné l'illusion que l'unité et le changement peuvent émerger d'une confrontation. Au risque de créer un candidat hybride dont l'ADN portera les mêmes marqueurs génétiques du socialisme d'hier. Une sorte de Jurassic Park où la nouvelle incarnation de la gauche ressemblera aux vieux dinosaures.
Au centre, ce n'est ni un troisième homme, ni un parti de contre-pouvoir qui s'impose. Ce sont les médias qui jouent le rôle d'arbitre entre deux centres de gravité. Il ne faut donc pas s'étonner du désintéressement, voire de l'écoeurement, des citoyens pour les politiques et leur capacité à se réinventer. La politique, au sens philosophique du terme, ne constitue plus, à leurs yeux, une réponse efficace et morale aux crises d'aujourd'hui mais un jeu de dupes où le pouvoir frise l'excès.

Quand est-ce que nos dirigeants cesseront d'apparaître comme des tacticiens électoraux pour se consacrer aux vrais enjeux du bien commun ? Notre vote en dépend.
La campagne de 2012 doit ainsi créer les conditions favorables pour remettre l'homme au coeur de notre projet de société. Au lieu de cela, les candidats se laissent charmer par les sirènes de la dette et des agences de notation. Dans ce contexte d'hypermédiatisation, il revient à chacun de faire le choix des idées et de discerner dans les programmes les meilleurs atouts pour réenchanter notre avenir économique, financier, social et éthique.
Qui est le mieux placé pour porter une politique de l'exemplarité et de l'authenticité dont la vocation sera de révolutionner les mentalités et les comportements ? Chacun doit y trouver sa place. Pour cela, il faudra vaincre la tiédeur des compromis et l'apathie des corporatismes. Et surtout, décentraliser le débat politique. Les élites parisiennes sont trop proches des lieux de pouvoir et des forces de gravitation partisanes. Elles cristallisent les maux d'une société compartimentée. Comme si tout était piloté d'en haut, avec condescendance. Or, depuis les sénatoriales, les régions ont prouvé qu'elles pouvaient déjouer les pronostics et bousculer les chasses gardées. A tort ou à raison. Mais, les grands électeurs ont soufflé, depuis leurs municipalités, l'air de la campagne. Avec pour conséquence la désanctuarisation de Paris.

La campagne de 2012 sera prévisible ou ne sera pas. La France vivra un énième combat des chefs : un président sortant contre un président "normal". Le premier peut l'emporter sur son bilan, le second sur sa capacité à mobiliser les désabusés, y compris chez l'adversaire. Nicolas Sarkozy peut gagner parce qu'il a déjà été président. François Hollande parce qu'il ne l'a jamais été. Ce sera tout le paradoxe du second tour. Quant au premier tour, le "tour gratuit", il aura certainement manqué son bain de jouvence.