vendredi 29 avril 2011

Les leçons de l'expérience

Biodégradables 
Doit-on avoir peur du nucléaire ? Depuis le tremblement de terre au Japon et ses conséquences catastrophiques pour la population et l’environnement, les pires scénarios ne sont plus des fictions mais une réalité pour les partisans de l’énergie atomique et plus seulement pour ses détracteurs. Se croyant à l’abri de la célèbre loi de Murphy dite de l’emmerdement maximum, la conjonction de plusieurs facteurs de risque n’avait jamais été envisagée par les centrales nucléaires françaises. C’est maintenant le cas. Nos sites sont parés pour faire face à un, deux voire trois accidents simultanés. Pas plus. Depuis Fukushima, le pire est désormais possible. Et au diable les probabilités ! Devant ce drame technologique aux implications humaines inimaginables, la première réaction ne doit pas être de diaboliser le nucléaire en exigeant sa disparition. Mais d’analyser la situation à froid. Alors que l’Europe vient de commémorer le douloureux souvenir de Tchernobyl, nous aurions beaucoup à apprendre du tempérament des Japonais, en première ligne de la catastrophe, ne l’oublions pas. Comment sont-ils parvenus à rester dignes devant l’ampleur du désastre ? Ils ont offert au monde des images d’une grande respectabilité qui forcent l’admiration des populations à sang chaud. D’où leur vient cette attitude ? Yuko, une amie japonaise qui vit en France m’a confié quelques clefs de compréhension. D’abord, cela ne sert à rien de jeter de l’huile sur le feu en ajoutant l’hystérie à l’angoisse. Ceux qui gardent du recul doivent informer et tranquilliser les victimes afin de ne pas "déstabiliser davantage leurs conditions mentales". Le catastrophisme des médias étrangers, amplifié par l’éloignement et doublé d’informations souvent contradictoires, n’a pas facilité le retour au calme et à la paix de l’esprit au Japon. D’autant plus que les populations d’expatriés qui ont préféré quitter le pays en toute hâte ont contribué, malgré eux, à multiplier à la télévision les images d’aéroports bondés de familles en fuite. Tandis que les Japonais ont dû faire face à un non-choix : l’obligation de rester, de ne pas baisser les bras et de reprendre le cours d’une vie plus ou moins normale. Les Japonais seraient-ils donc fatalistes ? Ils ont surtout "l’esprit collectif", m’explique Yuko, "pour faire barrage à toute propagation de la panique". "Toute notre culture est fondée sur le langage du cœur avant celui de la raison. Ainsi, plutôt que de chercher l’explication d’un événement, nous préférons en comprendre le sens, la justification, pour en tirer une expérience à la fois physique et psychologique." Enfin, nos amis Japonais n’ont pas le même rapport à la nature, ni la même conception de la mort, que nous. Yuko insiste beaucoup sur l’idée de la biodégradabilité de l’existence humaine : "La mort est une transformation, un transfert d’énergie. Or, pour faire circuler cette énergie, nous devons nous harmoniser en communauté." Certains événements divisent les gens, d’autres les rassemblent malgré les meurtrissures. Faudra-t-il un autre Fukushima, ou un nouveau Tchernobyl, pour s’en rendre compte ?

Coucher sous X
200 000 avortements par an en France ! Le chiffre fait trembler. Pour le réduire, la région Ile-de-France, qui comptabilise un quart de ce total, a lancé le "Pass santé contraception" auprès des lycéens, sur le modèle du dispositif lancé en Poitou-Charentes. Le principe est aussi simple qu’un carnet de tombola. Un chéquier coloré, gratuit et anonyme est délivré par les infirmières scolaires. Un premier coupon permet de consulter un généraliste ou un gynécologue, un second donne accès à une prise de sang, un troisième à un contraceptif, un quatrième à une autre visite médicale pour le suivi et un dernier pour le renouvellement de la prescription. Ce système permet aux mineurs de se protéger lors de leurs premiers rapports sans passer par la sécu des parents pour se faire rembourser. Lorsque cette initiative avait été lancée par Ségolène Royal dans sa région, le ministère de l’Education avait mis son veto. Cette fois-ci, Luc Chatel approuve cette « réponse éducative ». Educative ou technique ? Court-circuiter l’éducation familiale en matière de sexualité, est-ce la meilleure solution ? La contraception des jeunes a toujours fait couler beaucoup d’encre : préventif ou incitatif ? La question se pose de la même façon pour les drogues douces : légaliser pour contrôler ou interdire au risque de provoquer l’effet inverse de celui escompté ? Dans les deux cas, la réponse du politique s’attaque toujours aux conséquences techniques. Jamais aux causes morales. Comment agir à la racine ? D’abord en favorisant le dialogue. Sans doute le Pass va-t-il conduire les jeunes à parler plus librement à une infirmière qui, par nature, ne porte pas de jugement sur la personne. Mais ce qui m’inquiète dans cette initiative, c’est le rôle ingrat qu’on fait porter aux parents. Comme s’ils ne comprenaient jamais rien à leurs enfants et que la collectivité devait palier ces carences pédagogiques et affectives. Le dialogue doit naître au sein des familles. Non à l’école. Ensuite, l’anonymat n’est jamais un facteur de responsabilisation. La banalisation de l’identité, noyée dans la masse, n’incite pas à vivre en vérité. Permettre aux jeunes de coucher sans danger, en toute "impunité", ne contribue pas à l’épanouissement de leur libre-arbitre. Le sexe possible ne doit pas devenir le sexe facile. Or, à l’heure où l’internet a désincarné l’individu, et en particulier les plus jeunes, il devient plus que nécessaire d’apporter des solutions humanistes à nos problèmes de société. Parce qu’avant l’outil et le mode d’emploi, il y a la question de la nécessité et de l’envie. C’est toute la dignité de l’homme qui est en jeu. L’avortement ne doit plus être une option parmi d’autres. Mais la limite à ne pas dépasser.

Iznogoud
A la une du dernier numéro de Courrier International, un dessin humoristique montre Nicolas Sarkozy, debout sur un trône, affublé d’un grand manteau de monarque et portant un sceptre qui en dit long sur ce qu’il pense, sous le titre "La France que laissera Sarkozy". Dans ce dossier, la presse étrangère fait le bilan d’un mandat plutôt en demi-teinte du chef de l’Etat, caricaturé en despote je-m’en-foutiste. En effet, tant sur le plan national que sur la scène internationale, on a beaucoup reproché à l’hyper-président des "faits du Prince" auprès des quelques privilégiés. Or, malgré toute l’énergie qu’il déploie pour nous sortir de la sinistrose, la France reste un pays en manque de rêves. Son potentiel est mal employé et les acteurs clefs du succès peu valorisés. Au lieu de cela, on donne la parole aux blasés ou aux orgueilleux. En outre, la pseudo-générosité de l’Etat-Providence n’émeut plus personne. Pendant ce temps, de l’autre côté de la Manche, la "perfide Albion" fête le mariage du siècle. William et Kate, c’est la formule magique qui va redorer le blason d’une famille royale en panne d’affection et ressouder toute une nation autour de son identité et de son histoire, le temps d’oublier la crise. Soyons clairs : je n’appelle pas à un rétablissement de la monarchie dans notre pays. Mais je pense qu’il manque à nos concitoyens un événement fédérateur de cet acabit pour réveiller la souveraineté de la France et sa fierté. Nous avons eu la Coupe du Monde de football en 1998. Depuis, plus rien. Nos valeurs sportives ont été phagocytées par la communication politique. Mais l’élection présidentielle n’a malheureusement rien d’une opération de team-building. Le gagnant a beau se prétendre "président de tous les Français", la France reste partagée entre ceux qui se lèvent tôt, ceux qui se couchent tard, ceux qui en profitent et ceux qui s’en foutent. La gouvernance de Nicolas Sarkozy, mal médiatisée par ses conseillers en communication, a viré au style impérial, façon "bas de soie". Pourtant, au terme de son mandat, on pourra dire que les ambitions aux accents napoléoniens du chef de l’Etat auront eu un mérite : la révélation des failles de la 5e République. N’est pas calife qui veut...