lundi 14 février 2011

Nous n'aimerons plus Luis Mariano

D'une banale et triste chronique judiciaire, le procès Florence Cassez est à nouveau devenu, depuis jeudi dernier, une affaire d'Etat, impliquant l'image de la France au Mexique. Et vice et versa. Or, ce mauvais remake de Midnight Express (inspiré d'une histoire vraie, ce film d'Alan Parker raconte l'horreur d'un jeune touriste américain condamné pour l'exemple à trente ans d'emprisonnement dans une prison turque pour possession de 2 kg de haschich à l'aéroport) m'inquiète à plus d'un titre.
D'abord parce qu'une jeune fille, en séjour à l'étranger, n'est pas à l'abri d'une mauvaise rencontre. Quelle soit coupable ou non des faits de complicité pour enlèvement qui lui sont reprochés, on ne peut s'empêcher de penser qu'elle a malheureusement mal choisi ses amis. Qu'elle est tombée amoureuse de la mauvaise personne. Et elle paie aujourd'hui le prix de son aveuglement. Ne sommes-nous pas tous vulnérables hors de nos frontières, loin de nos repères, dans le choix de nos relations ?  Pour avoir séjourné pendant deux mois en Argentine, à Buenos Aires, je comprends ce sentiment d'éloignement et d'insécurité qui peuvent agiter le touriste loin de chez lui, en quête d'âmes charitables et d'appuis sur qui compter. A l'instar des héros d'Hitchcock, Florence Cassez s'est retrouvée entraînée dans les rouages d'une politique qui la dépasse. Y a-t-elle contribué ? Pour la justice mexicaine, oui. Pour sa famille et son avocat, non. Qui croire, avec ce manque de sérénité ?
Car, la justice est-elle fiable, là-bas ? Rend-t-elle des jugements impartiaux ? N'est-elle pas asservie au pouvoir ? Florence Cassez ne serait-elle pas l'enjeu d'une crise civile dans un pays en proie à une forte criminalité que les autorités peinent à enrayer. A l'approche d'élections internes au Mexique, la petite française joue le rôle de bouc émissaire pour servir les intérêts des puissants. Que faire contre pareil système ?
Alors la France monte au créneau, à commencer par ses partis politiques qui réclament un boycott des festivités de l'année du Mexique organisées un peu partout dans l'hexagone. Le ton s'envenime. Les ambassadeurs sont convoqués dans leurs pays respectifs. Le Président de la République reçoit les parents de la jeune femme pour décider ou non d'une annulation pure et simple de l'événement culturel. Le Mexique se vexe. Aux informations, on entend les témoignages de mexicains qui disent que Nicolas Sarkozy parle trop et trop vite. Il avait promis la libération de Florence Cassez. A ce jour, aucun résultat. Avec quels moyens de pression prétendait-il agir ? Son comportement d'ingérence n'a-t-il pas influencé les juges ? La diplomatie tente des conciliations, sans succès. Je m'inquiète alors du sort d'un compatriote emprisonné à l'étranger et qui devient intouchable, malgré les recours.
Ce qui émeut le plus l'opinion publique et les médias français, c'est la disproportion avec laquelle l'affaire Florence Cassez est traitée. D'ici, les motifs d'accusation ne tiennent pas. On les dit même inventés de toutes pièces par la police mexicaine avec la complicité de la télévision locale. Et pourtant, un jugement sévère la condamne à 60 ans de prison ! Comment la vérité peut-elle triompher dans ce climat de tension diplomatique ? Si une issue n'est pas vite trouvée, les Français pourraient bien ne plus chanter Luis Mariano et son "paradis des cœurs et de l'amour". Même le jour de la Saint-Valentin.