mardi 2 novembre 2010

Le château de tous les mystères

Il était une fois un conte de fées. Un château du XVème siècle qui apparait, au détour d'une route, perché en haut de son promontoire. Sa silhouette médiévale réveille en nous les histoires de chevaliers et de dragons. Sous l'oriflamme rouge et or qui flotte au vent, la Belle aux bois dormant attend le baiser du valeureux prince. Je cherchais une adresse sur la route des vacances, une halte étonnante à mi-parcours pour éviter de traverser d'une traite le grand ouest et ne garder que l'image du bitume, entre le Bassin d'Arcachon et Paris. Or, à hauteur de petite fille, seuls les châteaux font rêver. Les "châteaux de princesses". Alors, je réserve une chambre d'hôtes au Château de la Motte, à Usseau, dans la Vienne. Pour la nuit d'Halloween. Curieux hasard.
L'automobiliste pressé qui préfère avaler du kilomètre l'entraperçoit quelques instants depuis l'A10, dominant le paysage, au nord de Châtellerault. Les écoliers comme moi empruntent une autre route. Depuis 10 ans, Marie-Andrée et Jean-Marie Bardin, d'anciens ch'tis à la pointe de l'hospitalité, font revivre le site historique en proposant des chambres d'époque, une table garnie de légumes d'antan et des visites guidées à la belle saison. Une fois à l'intérieur, c'est Fantômas contre Scotland Yard. Comme le commissaire Juve (Louis de Funès), le châtelain vous conduit à votre chambre [extrait], au rythme des grandes et des petites histoires. Notamment celle de Baudart, l'amant assassiné d'Isabelle de Poissy, dont le fantôme s'échappe parfois du vieux puits où son corps fut jeté il y a plus de 500 ans. Se moquerait-on de moi ? Attention à la marche dans le couloir ! Au dîner, ambiance Cluedo. Une quinzaine de couverts sont dressés autour de la table. Les invités ne se connaissent pas. Rassemblés pour l'apéritif, nous discutons, en toute légèreté, avec nos voisins de chambre. D'où venez vous ? Pourquoi êtes-vous là ? Le célèbre roman d'Agatha Christie, Dix petits nègres, est revisité, à la lueur du feu de bois et des bougies. Un Docteur Lenoir parmi nous ? Le chandelier ou la corde ? La soirée promet d'être longue. A table, on s'attend à voir entrer la gouvernante, porteuse d'une enveloppe contenant des pépins d'orange, d'une quantité correspondant au nombre de convives. Un sinistre présage, à l'heure du souper, qui annonce la mort imminente de celui qui les reçoit. C'est le procédé diabolique imaginé par Conan Doyle, dans une nouvelle de Sherlock Holmes, et au cœur du scénario de la Maison de la peur (1945), avec Basil Rathbone dans le rôle du détective [extrait]. Après chaque disparition tragique, un nouveau courrier est déposé. Un pépin en moins dans l'enveloppe mais un en plus pour la police. Dieu merci, ce soir, pas de pépin d'orange. Plutôt de citrouille. Au coucher, le fantôme de Baudart ne fait plus sourire du tout. On l'espère vivement au fond de son puits. A moins que ce soit l'occasion d'une expérience surnaturelle ? Être le témoin d'une apparition. Tel est le vieux rêve de tout chasseur de spectres. Quant à moi, l'idée d'un château hanté n'a pas raison de mon sommeil. L'esprit serein, je m'apprête à rejoindre le monde des fées et des princesses qui peuplent déjà les rêves de mes filles. Pourtant, alors que j'éteins la dernière lumière, je me demande où est mon appareil photo. On ne sait jamais.