Ce matin, une fausse alerte a fait le tour des agences de presse du monde entier. En provenance des médias indonésiens, une rumeur évoquait le crash d'un airbus A380 de Qantas effectuant la liaison Londres-Sydney, après une escale à Singapour. Des témoins ont entendu une explosion suivie de la chute de débris rouges et blancs, aux couleurs de la compagnie australienne, près de l'île de Batam. Quelques heures plus tard, l'information est démentie. C'est l'explosion d'un réacteur (ou plutôt le "décapotage" d'un moteur), survenue sitôt après le redécollage de l'appareil transportant 459 personnes, qui a contraint l'avion à faire demi-tour. Aucun blessé à déplorer. Mais on imagine facilement la belle frayeur des passagers. Surtout ceux qui étaient assis près de l'aile. A chaque crise de ce genre, rapportée dans l'actualité, j'éprouve une angoisse et un soulagement. L'angoisse de l'avion. Et le soulagement de ne pas avoir été à bord. Car, vous l'aurez compris, j'ai peur en avion.
Petit, j'étais impressionné par la majesté de ces beaux oiseaux de métal. En entrant par la porte avant, je jetais un œil au cockpit, admirant les pilotes dans leurs beaux uniformes et la multitude de boutons, écrans et diodes lumineuses qui couvrent le tableau de bord. Aujourd'hui, je regarde toujours, mais dans l'espoir d'y voir un commandant d'âge mûr, expérimenté, et pas un petit jeunot à l'allure de Tom Cruise dans Top Gun. Autrefois, l'hôtesse m'accueillait de son sourire jovial qui semblait dire "bonjour, jeune homme. Ça te dirait d'aller dans le cockpit pendant le vol ? Je vais arranger ça, promis". Désormais, dans le même sourire, je veux y lire "ne vous inquiétez pas monsieur, ça va bien se passer. Personne n'a envie de mourir aujourd'hui". Avant, je me demandais s'il y avait des parachutes. Cela faisait rire tout le monde. Maintenant, la démonstration des consignes de sécurité me donne la chair de poule. Et la vue d'un gilet de sauvetage ou d'un masque à oxygène me fait presque tourner de l'œil. D'ailleurs, quel est l'intérêt d'un gilet de sauvetage sur un Paris-Nice ? En avion, la peur est irrationnelle. On a peur par ignorance. C'est pourquoi je ne perds jamais de vue le personnel navigant, véritable baromètre de la qualité d'un voyage. Si, alors qu'elle sert paisiblement les rafraichissements dans l'allée centrale, l'hôtesse se précipite à l'avant de l'appareil et ferme le rideau d'un coup sec, ce n'est pas bon signe. Si elle s'assoit sur son fauteuil et attache sa ceinture, un sourire forcé, il y a risque de turbulences. Si elle dialogue, l'air grave, avec le steward, lui aussi ceinturé, il est temps de prier. Et puis, enfant, mes parents m'ont emmené voir le film "Y a-t-il un pilote dans l'avion ?" (le 1 ou le 2, je ne sais plus), ce nanar américain sorti au cinéma dans les années 80 avec Leslie Nielsen dans le rôle du médecin. Oui mais voilà : insensible à l'humour potache, j'ai pris au premier degré cette histoire d'intoxication alimentaire dans un avion sans pilote. Aussi, quand je dois prendre l'avion, je perds l'usage de la parole, 48 heures avant. Et dès que j'entends le bruit de fond de l'appareil, mon imagination s'enflamme. J'ai pourtant tout essayé pour me détendre : boire de l'alcool, prendre des cachets ou écouter du Nicolas Canteloup (merci Eric !). Rien n'y fait. Comme psychanalyse, j'ai même eu droit à un vol de nuit sur un avion postal, comme Saint-Exupéry. Grâce à un ami pilote, je n'oublierai jamais cette expérience aussi intimidante que magique. Lorsque, après avoir fait le tour de l'appareil (un Boeing 737), nous embarquons par l'escalier et prenons place à bord du cockpit, la curiosité l'emporte sur la phobie. A l'époque copilote, mon camarade s'installe à droite et enregistre les paramètres de vol, à l'aide de son ordinateur portable. Tout est informatisé, calculé, calibré. Pour être performant, notamment dans la consommation de carburant. Dans la cabine, à l'arrière, des containers de courrier et de colis. La tour de contrôle donne le go. C'est l'heure où le trafic "passagers" est terminé. Le ciel est à nous. Direction Toulouse. Les pilotes me donnent quelques consignes : "Si le voyant rouge s'allume, il y a le feu en cabine. On n'ouvre pas la porte et on se pose en urgence. En cas de dépressurisation de l'appareil, tu prends le masque, ici, et tu le places comme ça sur ta tête. Avec tout ce qu'on aura à gérer, nous n'aurons pas le temps de s'occuper de toi. Et tu as quelques minutes avant de perdre connaissance..." A cet instant précis, je vis ce qu'on appelle un "moment de solitude", me demandant ce que je fais là, assis sur mon strapontin, entre deux jeunes pilotes qui s'apprêtent à faire décoller un 737. Seulement, ce n'est pas un jeu vidéo. C'est pour de vrai ! Pendant le vol, ils m'expliquent les procédures et me confient des anecdotes du métier, plus légères que le coup du voyant rouge et du masque à oxygène. L'approche sur la ville rose est le clou du spectacle. Des lumières apparaissent au loin, dans le noir, et deviennent de plus en plus denses, comme les étoiles de la voie lactée. Au moment de toucher le sol, un animal traverse furtivement la piste. Un renard ? Un gros lapin ? Nous l'évitons de justesse. "C'est préférable à l'atterrissage" me dit-on, dans un euphémisme. Le temps de livrer la marchandise et nous repartons, sans descendre de l'avion. Au retour, comme nous sommes plus légers, il faut recalculer les paramètres de vol, pour économiser du kérosène. Certes. Pendant le vol retour, je pose une question innocente : avec tout ce trafic (80 000 vols civils par jour dans le monde), comment deux avions s'évitent-ils en plein ciel ? "Une application permet aux avions qui se croisent de communiquer entre eux. Si l'un d'eux monte, l'autre reçoit automatiquement l'ordre de descendre. Et les pilotes ne doivent pas forcer la procédure." Me voilà rassuré. A Roissy-CDG, le ciel est chargé. Le plafond est bas. Nous faisons une approche dans les nuages. C'est impressionnant de ne voir la piste éclairée qu'au tout dernier moment. Sitôt après ce vol, j'ai repris l'avion. Pour le travail. Une grande sérénité m'avait gagné. Tel Jamy dans C'est pas sorcier, j'étais intarissable : un avion, comment ça marche ? J'ai parlé du fameux voyant rouge à ma voisine. Elle a grimacé. Et puis, il y a eu Rio-Paris. Le 1er juin 2009. Finie ma belle assurance ! Car même un avion sérieux, sur une compagnie sérieuse, n'est pas à l'abri d'un drame. Sans explication. Alors, j'ai à nouveau sombré dans la psychose. L'avion est le moyen de transport le plus sûr au monde, clament ses défenseurs. Et alors ? Je n'ai pas envie de jouer à la roulette russe. Moi, j'ai peur. Et toutes les statistiques du monde n'y changeront rien. Il n'y a que Gad Elmaleh pour en rire. Et me faire rire. Comme lui, "j'arrêterais d'avoir peur en avion le jour où on arrêta d'applaudir les pilotes parce qu'ils ont réussi l'atterrissage" !
Petit, j'étais impressionné par la majesté de ces beaux oiseaux de métal. En entrant par la porte avant, je jetais un œil au cockpit, admirant les pilotes dans leurs beaux uniformes et la multitude de boutons, écrans et diodes lumineuses qui couvrent le tableau de bord. Aujourd'hui, je regarde toujours, mais dans l'espoir d'y voir un commandant d'âge mûr, expérimenté, et pas un petit jeunot à l'allure de Tom Cruise dans Top Gun. Autrefois, l'hôtesse m'accueillait de son sourire jovial qui semblait dire "bonjour, jeune homme. Ça te dirait d'aller dans le cockpit pendant le vol ? Je vais arranger ça, promis". Désormais, dans le même sourire, je veux y lire "ne vous inquiétez pas monsieur, ça va bien se passer. Personne n'a envie de mourir aujourd'hui". Avant, je me demandais s'il y avait des parachutes. Cela faisait rire tout le monde. Maintenant, la démonstration des consignes de sécurité me donne la chair de poule. Et la vue d'un gilet de sauvetage ou d'un masque à oxygène me fait presque tourner de l'œil. D'ailleurs, quel est l'intérêt d'un gilet de sauvetage sur un Paris-Nice ? En avion, la peur est irrationnelle. On a peur par ignorance. C'est pourquoi je ne perds jamais de vue le personnel navigant, véritable baromètre de la qualité d'un voyage. Si, alors qu'elle sert paisiblement les rafraichissements dans l'allée centrale, l'hôtesse se précipite à l'avant de l'appareil et ferme le rideau d'un coup sec, ce n'est pas bon signe. Si elle s'assoit sur son fauteuil et attache sa ceinture, un sourire forcé, il y a risque de turbulences. Si elle dialogue, l'air grave, avec le steward, lui aussi ceinturé, il est temps de prier. Et puis, enfant, mes parents m'ont emmené voir le film "Y a-t-il un pilote dans l'avion ?" (le 1 ou le 2, je ne sais plus), ce nanar américain sorti au cinéma dans les années 80 avec Leslie Nielsen dans le rôle du médecin. Oui mais voilà : insensible à l'humour potache, j'ai pris au premier degré cette histoire d'intoxication alimentaire dans un avion sans pilote. Aussi, quand je dois prendre l'avion, je perds l'usage de la parole, 48 heures avant. Et dès que j'entends le bruit de fond de l'appareil, mon imagination s'enflamme. J'ai pourtant tout essayé pour me détendre : boire de l'alcool, prendre des cachets ou écouter du Nicolas Canteloup (merci Eric !). Rien n'y fait. Comme psychanalyse, j'ai même eu droit à un vol de nuit sur un avion postal, comme Saint-Exupéry. Grâce à un ami pilote, je n'oublierai jamais cette expérience aussi intimidante que magique. Lorsque, après avoir fait le tour de l'appareil (un Boeing 737), nous embarquons par l'escalier et prenons place à bord du cockpit, la curiosité l'emporte sur la phobie. A l'époque copilote, mon camarade s'installe à droite et enregistre les paramètres de vol, à l'aide de son ordinateur portable. Tout est informatisé, calculé, calibré. Pour être performant, notamment dans la consommation de carburant. Dans la cabine, à l'arrière, des containers de courrier et de colis. La tour de contrôle donne le go. C'est l'heure où le trafic "passagers" est terminé. Le ciel est à nous. Direction Toulouse. Les pilotes me donnent quelques consignes : "Si le voyant rouge s'allume, il y a le feu en cabine. On n'ouvre pas la porte et on se pose en urgence. En cas de dépressurisation de l'appareil, tu prends le masque, ici, et tu le places comme ça sur ta tête. Avec tout ce qu'on aura à gérer, nous n'aurons pas le temps de s'occuper de toi. Et tu as quelques minutes avant de perdre connaissance..." A cet instant précis, je vis ce qu'on appelle un "moment de solitude", me demandant ce que je fais là, assis sur mon strapontin, entre deux jeunes pilotes qui s'apprêtent à faire décoller un 737. Seulement, ce n'est pas un jeu vidéo. C'est pour de vrai ! Pendant le vol, ils m'expliquent les procédures et me confient des anecdotes du métier, plus légères que le coup du voyant rouge et du masque à oxygène. L'approche sur la ville rose est le clou du spectacle. Des lumières apparaissent au loin, dans le noir, et deviennent de plus en plus denses, comme les étoiles de la voie lactée. Au moment de toucher le sol, un animal traverse furtivement la piste. Un renard ? Un gros lapin ? Nous l'évitons de justesse. "C'est préférable à l'atterrissage" me dit-on, dans un euphémisme. Le temps de livrer la marchandise et nous repartons, sans descendre de l'avion. Au retour, comme nous sommes plus légers, il faut recalculer les paramètres de vol, pour économiser du kérosène. Certes. Pendant le vol retour, je pose une question innocente : avec tout ce trafic (80 000 vols civils par jour dans le monde), comment deux avions s'évitent-ils en plein ciel ? "Une application permet aux avions qui se croisent de communiquer entre eux. Si l'un d'eux monte, l'autre reçoit automatiquement l'ordre de descendre. Et les pilotes ne doivent pas forcer la procédure." Me voilà rassuré. A Roissy-CDG, le ciel est chargé. Le plafond est bas. Nous faisons une approche dans les nuages. C'est impressionnant de ne voir la piste éclairée qu'au tout dernier moment. Sitôt après ce vol, j'ai repris l'avion. Pour le travail. Une grande sérénité m'avait gagné. Tel Jamy dans C'est pas sorcier, j'étais intarissable : un avion, comment ça marche ? J'ai parlé du fameux voyant rouge à ma voisine. Elle a grimacé. Et puis, il y a eu Rio-Paris. Le 1er juin 2009. Finie ma belle assurance ! Car même un avion sérieux, sur une compagnie sérieuse, n'est pas à l'abri d'un drame. Sans explication. Alors, j'ai à nouveau sombré dans la psychose. L'avion est le moyen de transport le plus sûr au monde, clament ses défenseurs. Et alors ? Je n'ai pas envie de jouer à la roulette russe. Moi, j'ai peur. Et toutes les statistiques du monde n'y changeront rien. Il n'y a que Gad Elmaleh pour en rire. Et me faire rire. Comme lui, "j'arrêterais d'avoir peur en avion le jour où on arrêta d'applaudir les pilotes parce qu'ils ont réussi l'atterrissage" !