lundi 11 octobre 2010

Qui veut gagner des millions ?

"By jove !" Vendredi soir, un cri de joie a ébranlé les murs d'un cottage dans la paisible campagne anglaise. Ou peut-être au cœur de Londres. Qui sait ? En effet, c'est un britannique, anonyme, qui a remporté la cagnotte record de 129 millions d'euros à Euromillions. Un comble dans un pays européen où la majorité des citoyens est hostile à la monnaie unique. Seul gagnant à avoir coché les sept bons numéros, ce sujet de sa gracieuse majesté empoche la coquette somme de 113 millions de livres sterling. Or, à ce jour, il n'a toujours pas réclamé son gain, perdant £6 d'intérêts par minute. Quelques heures plus tôt, je me disais, dans une réflexion en guise d'euphémisme, "si c'était moi, ça faciliterait pas mal de choses".
En effet, avec 129 millions d'euros, on en règle des problèmes. 100% des joueurs ont fait ce rêve, évoquant leurs envies en cas de victoire. Ça alimente les conversations : je m'achète ceci, je m'achète cela ; je ne travaille plus ; j'en donne une partie à des œuvres de charité, à ma famille, à mes enfants ; je fais construire une piscine ; j'achète un château ou une Aston Martin (la DB5 de 007 sera vendue aux enchères le 27 octobre) ; je quitte la rue ; j'ouvre un commerce ; je pars en voyage ; etc. Bref,  je mets du beurre dans les épinards. Alors, les jours de grosse cagnotte, je joue. Pour le frisson. Et l'espoir, même infime (1 chance sur 76 millions). Car, contrairement aux Jeux Olympiques, l'important n'est pas de participer mais de gagner. Chacun sa méthode : jouer ses numéros fétiches ou laisser faire le hasard du tirage "flash". Je suis nul en probabilités. Mais je sais qu'il y a autant de chances de gagner dans un cas comme dans l'autre. Pourtant, un ami a sa théorie : "je joue mes chiffres porte-bonheur parce que cela me ferait chier de perdre s'ils sortent et que je ne les ai pas joués." Logique. Quant à moi, je ne suis pas superstitieux. Je valide mon bulletin, par internet. Des numéros différents à chaque fois. Et tant pis pour les dates de naissance de mes filles. Finalement, je joue comme si je passais un coup de fil au hasard, en France, et que je tombais sur la bonne personne, du premier coup. Je ne regarde même pas le tirage à la télévision, refusant de céder à la dramaturgie du jeu. Et je joue seul. A plusieurs, il y a un risque : annoncer à vos potes que le ticket gagnant est resté dans la poche de votre jeans. Et que le jeans est passé à la machine à laver. Gagner à Euromillions, donc, règle des problèmes. Mais qui dit que cela n'en crée pas de nouveaux : des problèmes de millionnaires (ils sont plus de 2 millions en France), cible de tous les escrocs de la finance et du placement toxique ; cible des "amis" qui vous avaient oublié au temps des vaches maigres et qui, tout à coup, "jouent" votre numéro de téléphone sur leur portable ; cible des enlèvements et des demandes de rançon (je plaisante) ; cible des jalousies et des racontars dans les bistrots de campagne (plus fréquent). Le regard des autres change. Surtout celui de votre banquier. Et le regard que vous portez sur vous-même, que devient-il ? Statistiquement, les millionnaires du loto sont rarement des héritiers. Ils ne sont pas préparés à devenir riches. C'est pourquoi ils bénéficient d'un accompagnement de la Française des Jeux qui leur apprend à éviter les tentateurs et les mauvaises tentations. N'y pensons plus : j'ai perdu. Ou plutôt, je n'ai pas encore gagné. Mais c'est bénéfique de s'identifier au gagnant. Pour mettre ses propres dépenses en perspective. Apprendre la modestie. Trouver du sens dans ce qu'on a plutôt que dans ce qu'on pourrait avoir. Euromillions, c'est une séance à 2 euros chez le psy : avant le tirage, on se donne toutes les raisons pour jouer. Et après, toutes les excuses pour ne pas avoir gagné.