lundi 10 mai 2010

Eating Nemo


Sans exagérer, lorsque j’ouvre chaque matin ma boîte aux lettres et qu’il en pleut des dizaines de prospectus (geste écologique ?), il y a toujours une pub pour les sushis. Un restaurant différent à chaque fois : une nouvelle franchise ou une zone de livraison qui vient jusqu’à moi ? Peu importe. Les restaurants japonais pullulent à Paris. C’est un fait. Fort d’un concept bien rôdé : marketing des bienfaits, menus similaires, prix élevé. Mais, comme dirait Gad Elmaleh dans Chouchou, j’adore les sushis ! Et, une fois qu’on y a goûté, on ne peut plus s’en passer. Certains déclarent même qu’ils pourraient en manger tous les jours. Ou presque. Pourquoi cette addiction à un morceau de poisson cru emmailloté dans une feuille d’algue ?
Dans une interview, Gad Elmaleh s'en défend : « Au-delà de la blague, j’aime beaucoup et j’en mange vraiment beaucoup. Je trouve que c’est léger, bon, raffiné. Avec ce plat, on ne se sent jamais lourd. » C’est vrai que ça fait naturel, écolo, sain. En plus, grâce aux oméga-3, c’est bon pour la santé. En outre, à l’instar des nuggets du McDo qui ne seraient rien sans leur sauce barbecue, les sushis se dégustent toujours dans leur sauce soja, relevée d’une pointe de wasabi et d’un filet de gingembre mariné, pour rafraîchir entre deux bouchées. Sinon, c’est assez fade. A la réflexion, ce qu’on aime dans un restaurant traditionnel, à la française, c’est la variété, non ? Le plaisir de choisir, de changer, de découvrir de nouveaux plats, de nouvelles saveurs, au gré de l’inspiration du Chef. Tout le contraire d'une chaîne de sushi-bars où, à la longue, on adopte le mode consensuel, par défaut. Sushis ? Sashimis ? Makis ? Yakitori ? Un peu de tout ? Au moment de la commande, nous sommes quasiment en pilotage automatique. Victime d’un arc réflexe qui relie nos yeux à nos papilles, sans passer par le cerveau. Puis, une fois sélectionné le menu M13 ou la formule Z, arrivent la soupe miso, la salade de chou blanc et le bol de riz. Certains restaurants ont poussé le vice à créer des variétés différentes de sushis. Or, le prix de la diversité, c’est une addition salée. Plus salée que la sauce soja. Mais le comble du chic pour cadres trentenaires, urbains. C’est tendance. Je ne me moque pas. J’y succombe aussi. Au grand désespoir de ma femme qui voit tout ça comme une gigantesque escroquerie. Une dépendance injustifiée. C’est grave docteur ? Y a-t-il une cure de désintoxication ? Et la disparition du thon rouge ? On s’en fout ! La mer est encore pleine de poissons pour les cinquante prochaines années. Et après ? Nos enfants mangeront des méduses comme sous-titrait récemment un reportage sur Canal +, Global Sushi. Vive les sushis ! Au fait, savez-vous que, selon des spécialistes, 90% des restaurants de style japonais à Paris appartiennent à des chinois qui, flairant le business, ont troqué le porc aigre-douce contre le saumon cru ? D’où la nécessité de rapidement faire le tri avant de ne plus savoir distinguer le sushi authentique de sa copie pas fraîche. De frôler l’intoxication, faute de normes sanitaires. Et de vider les océans, victimes de la surpêche. En attendant, c’est mon portefeuille qui apprend le mandarin !