Cela fait longtemps que l’idée de ce billet d’humeur complètement inutile me trotte dans la tête. Mais, je suis un passionné des mots, du langage et de ceux qui jonglent avec. Le goût de l’écriture me pousse à être honnête et à respecter la fameuse maxime de Boileau, « ce qui ce conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Oh, je suis encore loin du compte dans ce domaine mais je m’exerce. Par contre, j’ai horreur de ceux qui maltraitent la langue, écrivant quasiment sous la dictée de l’urgence ou de l’enjeu médiatique, des phrases toutes faites ou des expressions vides de sens. Cette fois-ci, je franchis le pas car j’ai entendu, une fois de trop, ce matin à la radio, un chroniqueur faire usage d’une expression qui m’horripile. Ainsi, inspiré par Coluche, Devos et Bigard (le grand écart !), je me lance dans cet exercice du mauvais esprit en attirant votre attention sur quatre expressions du langage courant dont certains abusent de manière mécanique. Alors que, si on y réfléchit bien, ça ne veut rien dire ! Ou alors, au contraire, ça cache quelque chose ?
Sans démériter
« Quel est le vrai niveau du Stade Rennais ? Superbe le week-end dernier contre Bordeaux (4-2), le club breton, sans vraiment démériter, est retombé de son piédestal face à l'AJ Auxerre. ». On rencontre souvent cette expression dans les commentaires sportifs, pour expliquer, comme seul motif de consolation, qu’une équipe, porteuse d’espérances, a lamentablement échoué alors qu’elle pouvait (devait ?) gagner. Pourtant, malgré toute la bonne volonté du monde, l’entraînement, les compétences, l’appât du gain, les espoirs des supporters et les incantations magiques, elle a perdu. Point à la ligne. Contrairement aux idées reçues, l’important n’est pas de participer mais de gagner. Sinon, inutile de se lancer dans la compétition. Il n’y a pas à mériter ou démériter une victoire. Il faut l’emporter ou accepter la défaite, après s’être bien battu. "Sans démériter" reviendrait à dire, à demi-mots, que le résultat est injuste. Je force le trait : si demain, un champion gagne, en déméritant, a-t-il triché ? Et s’il perd, sans démériter, bien fait pour lui ? Il n’y a que le sport, en particulier le football, qui ose recourir à cette expression de mauvais perdant.
Achever le travail de deuil
« Sa famille attend maintenant que la justice se prononce pour achever le travail de deuil ». "Achever le travail de deuil", ça veut dire quoi ? Que la personne est oubliée ? Que l’on peut enfin quitter sa "robe de tristesse", comme au temps des veuves en noir, et passer à autre chose ? Que la mémoire est effacée ? Mais à quoi pensait ce cher docteur Freud lorsqu’il a inventé cette expression dans un article sur le « processus intrapsychique consécutif à la perte d’un objet d’attachement ou d’un être cher ». D’après lui, toute perte peut nécessiter un travail de deuil. En quoi le deuil serait-il un travail, ce mot hérité du latin "torture" ? Faut-il avoir une certaine technicité pour amoindrir sa peine ? Existe-t-il des virtuoses du deuil ? Ceux qui connaissent les astuces pour neutraliser l’affliction ? Malgré toute l’ironie dont je fais preuve, je ne peux m’empêcher d’être agacé par cette expression indécente. Le deuil est une épreuve émotionnelle suffisamment douloureuse sans qu’il soit nécessaire d’y exercer un quelconque travail. La mort, ça ne s’apprend pas en classe. Il n’y a pas de cours de deuil. Ni de devoirs à faire à la maison. Alors, messieurs les commentateurs, quand vous couvrez une catastrophe naturelle, un attentat ou un crime, arrêtez de parler de travail de deuil, comme s’il fallait relever ses manches et mouiller sa chemise. Encore travailler ! Toujours travailler ! Assez de travail ! Le deuil exige du repos et du recueillement. Et qu’on nous fiche la paix !
Rien ne laissait présager ce drame
« Rien ne pouvait laisser présager que cette banale soirée allait tourner au drame ». Forcément ! aurais-je envie de hurler à mon poste de télévision ! Sinon, tout aurait été tenté pour l’empêcher, non ? Souvent à la suite d’un événement qui finit mal, dans l’incompréhension la plus totale, on peut lire ou entendre cette expression du présage. Mais, jusqu’à preuve du contraire, personne ne lit l’avenir dans les boules de cristal. Encore moins les médias. C’est dans l'ordre des choses, certes ingrat, pour l’imprévisible de ne laisser aucun signe avant-coureur d'une tragédie. Voici l’exemple le plus significatif de l’expression clichée, tirée du chapeau d’un rédacteur automate. Mais je crois qu’elle n’est rien en comparaison de son contraire qui, malheureusement, veut dire quelque chose : tout laissait présager ce drame. Autrement dit, les proches d’une victime auraient prévenu les autorités d’un danger imminent et demandé de l'aide mais ils n'ont pas été entendus...
Echapper à la vigilance
« Un panda tente d'échapper à la vigilance des gardiens de la réserve ». Derrière ce titre anecdotique, se cache une expression absurde. Imaginez la scène : le panda observe patiemment les gardiens, comme si de rien n’était, jusqu’à ce qu’ils détournent leur regard ou quittent leur poste. Là, le panda en profite pour se faire la malle, passant au dessus de la grille, comme un prisonnier en fuite. Il a échappé à la vigilance de ses gardiens. Bien sûr que non ! Il n’a échappé à rien du tout. Il n’y avait plus de vigilance. Point final. Ce n’est pas comme si les gardiens avaient été drogués par les pandas pour profiter d’un sommeil forcé et quitter la cage. On s’échappe quand il y a stratagème. La grande évasion, en quelque sorte ! Or, dans cet exemple, je parle d’un animal plutôt sympathique à qui il n’est rien arrivé. C’est beaucoup plus dramatique dans le cadre d’un enfant qui "échappe à la vigilance" de ses parents. Ce genre de fait divers, au dénouement parfois tragique, noircit encore trop souvent les colonnes des journaux. Soit il y a vigilance, comme au bord de la piscine, et la catastrophe peut être évitée. Soit il n’y a pas de surveillance, avec le risque du pire. S’agirait-il pour le journaliste de minimiser la responsabilité de l’adulte dans la disparition de l’enfant ? Pour se déculpabiliser ?
Sans démériter
« Quel est le vrai niveau du Stade Rennais ? Superbe le week-end dernier contre Bordeaux (4-2), le club breton, sans vraiment démériter, est retombé de son piédestal face à l'AJ Auxerre. ». On rencontre souvent cette expression dans les commentaires sportifs, pour expliquer, comme seul motif de consolation, qu’une équipe, porteuse d’espérances, a lamentablement échoué alors qu’elle pouvait (devait ?) gagner. Pourtant, malgré toute la bonne volonté du monde, l’entraînement, les compétences, l’appât du gain, les espoirs des supporters et les incantations magiques, elle a perdu. Point à la ligne. Contrairement aux idées reçues, l’important n’est pas de participer mais de gagner. Sinon, inutile de se lancer dans la compétition. Il n’y a pas à mériter ou démériter une victoire. Il faut l’emporter ou accepter la défaite, après s’être bien battu. "Sans démériter" reviendrait à dire, à demi-mots, que le résultat est injuste. Je force le trait : si demain, un champion gagne, en déméritant, a-t-il triché ? Et s’il perd, sans démériter, bien fait pour lui ? Il n’y a que le sport, en particulier le football, qui ose recourir à cette expression de mauvais perdant.
Achever le travail de deuil
« Sa famille attend maintenant que la justice se prononce pour achever le travail de deuil ». "Achever le travail de deuil", ça veut dire quoi ? Que la personne est oubliée ? Que l’on peut enfin quitter sa "robe de tristesse", comme au temps des veuves en noir, et passer à autre chose ? Que la mémoire est effacée ? Mais à quoi pensait ce cher docteur Freud lorsqu’il a inventé cette expression dans un article sur le « processus intrapsychique consécutif à la perte d’un objet d’attachement ou d’un être cher ». D’après lui, toute perte peut nécessiter un travail de deuil. En quoi le deuil serait-il un travail, ce mot hérité du latin "torture" ? Faut-il avoir une certaine technicité pour amoindrir sa peine ? Existe-t-il des virtuoses du deuil ? Ceux qui connaissent les astuces pour neutraliser l’affliction ? Malgré toute l’ironie dont je fais preuve, je ne peux m’empêcher d’être agacé par cette expression indécente. Le deuil est une épreuve émotionnelle suffisamment douloureuse sans qu’il soit nécessaire d’y exercer un quelconque travail. La mort, ça ne s’apprend pas en classe. Il n’y a pas de cours de deuil. Ni de devoirs à faire à la maison. Alors, messieurs les commentateurs, quand vous couvrez une catastrophe naturelle, un attentat ou un crime, arrêtez de parler de travail de deuil, comme s’il fallait relever ses manches et mouiller sa chemise. Encore travailler ! Toujours travailler ! Assez de travail ! Le deuil exige du repos et du recueillement. Et qu’on nous fiche la paix !
Rien ne laissait présager ce drame
« Rien ne pouvait laisser présager que cette banale soirée allait tourner au drame ». Forcément ! aurais-je envie de hurler à mon poste de télévision ! Sinon, tout aurait été tenté pour l’empêcher, non ? Souvent à la suite d’un événement qui finit mal, dans l’incompréhension la plus totale, on peut lire ou entendre cette expression du présage. Mais, jusqu’à preuve du contraire, personne ne lit l’avenir dans les boules de cristal. Encore moins les médias. C’est dans l'ordre des choses, certes ingrat, pour l’imprévisible de ne laisser aucun signe avant-coureur d'une tragédie. Voici l’exemple le plus significatif de l’expression clichée, tirée du chapeau d’un rédacteur automate. Mais je crois qu’elle n’est rien en comparaison de son contraire qui, malheureusement, veut dire quelque chose : tout laissait présager ce drame. Autrement dit, les proches d’une victime auraient prévenu les autorités d’un danger imminent et demandé de l'aide mais ils n'ont pas été entendus...
Echapper à la vigilance
« Un panda tente d'échapper à la vigilance des gardiens de la réserve ». Derrière ce titre anecdotique, se cache une expression absurde. Imaginez la scène : le panda observe patiemment les gardiens, comme si de rien n’était, jusqu’à ce qu’ils détournent leur regard ou quittent leur poste. Là, le panda en profite pour se faire la malle, passant au dessus de la grille, comme un prisonnier en fuite. Il a échappé à la vigilance de ses gardiens. Bien sûr que non ! Il n’a échappé à rien du tout. Il n’y avait plus de vigilance. Point final. Ce n’est pas comme si les gardiens avaient été drogués par les pandas pour profiter d’un sommeil forcé et quitter la cage. On s’échappe quand il y a stratagème. La grande évasion, en quelque sorte ! Or, dans cet exemple, je parle d’un animal plutôt sympathique à qui il n’est rien arrivé. C’est beaucoup plus dramatique dans le cadre d’un enfant qui "échappe à la vigilance" de ses parents. Ce genre de fait divers, au dénouement parfois tragique, noircit encore trop souvent les colonnes des journaux. Soit il y a vigilance, comme au bord de la piscine, et la catastrophe peut être évitée. Soit il n’y a pas de surveillance, avec le risque du pire. S’agirait-il pour le journaliste de minimiser la responsabilité de l’adulte dans la disparition de l’enfant ? Pour se déculpabiliser ?