mardi 1 décembre 2009

What else ?



En communication, des entreprises ont fait le choix de l’égérie, star du cinéma, de la chanson, du sport ou de la mode, pour porter les valeurs de leur marque. C’est aussi valable dans l'événementiel. On appelle ça le celebrity marketing. Des agences sont spécialisées dans le management des droits à l’image des célébrités et leur placement dans les publicités. Et la question que tout le monde se pose : homme ou femme ?
Marqué par un genre artistique ou engagé dans une cause, le rapprochement avec une célébrité est globalement positif. Mais il peut être parfois dangereux. D’abord parce que la présence de la personnalité suggère, par réciprocité identitaire, qu’elle cautionne la marque, l’entreprise, son produit, sa promesse et son management. Si Johnny Halliday chante pour Optic 2000, ce n’est pas seulement parce qu’on le paie. C’est aussi parce que la star du rock y croit ! En principe... Puis, la marque ou la personnalité peuvent souffrir d’un parasitage lié à l’actualité. Souvenez-vous du fameux « coup de boule » de Zizou en 2006, réaction certes provoquée par la mauvaise foi d’un mauvais joueur mais loin d’être exemplaire, alors que l’as du ballon rond est ambassadeur d'Adidas prônant les valeurs de tolérance et de pacifisme. D’ailleurs, ça recommence avec la main de Thierry Henry. Ironie du sort ? J’ai appris que Procter & Gamble avait apporté, dans la plus grande discrétion, des corrections sur son site français Gillette Champions où le visuel d’introduction du footballeur le montre main dans la poche alors qu’il tient un ballon dans la version britannique... Enfin, mal légitimée, la star peut faire potiche et contrecarrer les bonnes intentions de la marque. Je n’ai toujours pas compris ce que faisait Nicole Kidman dans une publicité pour Schweppes ou Eric Cantona dans un spot pour Renault Laguna. Il y a donc des flops et des tops. Pour ma part, je raffole de Sean Connery dans la pub Louis Vuitton, de David Duchovny ou Gary Sinise pour Baume & Mercier, d’Eva Green ou de Jude Law pour Dior. Etonnamment, ce sont plutôt des hommes qui me viennent spontanément à l’esprit, des légendes pour certains, des mecs biens avec une classe folle, un rien de dérision, le sourire en coin. Ils n’ont rien à prouver. Ils forcent le respect et assument le choix de leur marque. Et la marque leur rend bien. La perle des perles, c’est bien sûr George Clooney ! Hors des Etats-Unis où il refuse, comme la plupart des stars, que son nom soit lié à une marque, le succès de Nespresso doit beaucoup à cet acteur américain qu’on associe immédiatement au Danny Ocean des films de Soderbergh. Récemment, écrasé par un piano à la sortie d’une boutique, le roi du café monte au ciel. Arrivé aux portes du paradis, George rencontre l'homme en blanc, magistral John Malkovich, avec qui il négocie un retour sur terre contre une machine à café. En tant que membre du club Nespresso sur le web, j’ai eu le plaisir de découvrir cette nouvelle campagne de pub en avant-première. D’ailleurs, ce buzz faussement élitiste a été une idée de génie car les aficionados sont devenus précurseurs avant la diffusion télé. Et je vous encourage à voir la version longue et ses fins alternatives. C’est irrésistible. Nespresso est pour moi une vraie réussite marketing. Malgré la renommée mondiale de l’acteur, la marque n’est jamais éclipsée. Au contraire, le message de fausse modestie de Clooney entretient la mise en avant du produit, star avant tout. Et pourtant, la belle gueule du personnage séduit les consommateurs autant que la qualité du café. Sans parler du fameux "what else ?", signature mythique entrée dans le langage courant, et de l'ambiance musicale jazzy, expression d’un raffinement. "Nespresso, le café corps et âme" a parfaitement accompli son positionnement en tant que marque de luxe, accessible à tous. A contrario, L’Oréal et sa dream team m’agacent. Trop de stars, trop tapis rouge, trop d’arrogance, trop de beauté plaquée, trop de facilité, trop d’ostentation, trop d’opportunisme. Bref, trop commercial. En outre, les clichés ont la vie dure. Car dès qu’il y a une fille dans une pub, c’est louche. Est-elle là pour sa plastique ou pour son élégance ? La publicité a malheureusement fait beaucoup de mal à l’image de la femme et aux aspirations des adolescentes. Et il faudra encore du temps pour qu’elle échappe aux schémas sexistes et cyniques dans lesquels elle a trop souvent été enfermée, en particulier en communication (cf. très bon article du magazine Stratégies). Alors que l’égérie masculine a tous les attributs du séducteur, sécurisant et plein de sagesse, qui plait aux femmes et auquel les hommes veulent s’identifier, l’égérie féminine est renvoyée, sous prétexte de glamour, à des codes érotiques qui sollicitent les esprits mal placés. A croire que certaines publicités ont appliqué à la lettre l’adage de Patrick Le Lay, ex-PDG de TF1 : « Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ». Ce que certains médias nous infligent avec leurs programmes racoleurs, les tartuffes de la pub nous l’imposent avec leurs playmates. On met la tête dans le slip pour mettre la main au porte-monnaie. Ah qu’il est loin le temps où la sublime Adjani vantait les mérites de Woolite Laine sans montrer l’ombre d’un sein que je ne saurais voir !

A voir : Un reportage de Culture Pub (21/02/2010)