« Noël commence maintenant » titre une publicité sur Internet ! Ah… Noël ! Son petit papa et sa grande barbe blanche, son sapin et ses guirlandes, ses illuminations, sa table garnie, sa course aux cadeaux, ses batailles de boules de neige, son Tino Rossi, ses marrons chauds et sa poudre aux yeux. Comme chaque année, le coup d’envoi des fêtes de fin d’année est donné des mois à l’avance. Car la société de consommation n’attend pas. Les publicités pleuvent à la télévision, les décorations envahissent les vitrines des magasins. Dépouillée de ses valeurs chrétiennes et familiales, la fête de Noël est devenue un culte de l’hyperconsommation, un aimant à porte-monnaie, une avalanche de rites imposés et de comportements excessifs pour, en définitive, une cynique mise en scène des inégalités. Paradoxalement, Noël me rend morose car, dans le froid et le jour qui raccourcit, il exacerbe injustices, souffrances, frustrations et sentiment d’abandon. Pourtant, sa vocation devrait nourrir notre esprit de solidarité et de fraternité. Alors pourquoi ce paradoxe ?
Parce que, érigée en fête commerciale par de nombreux canaux de communication, Noël se résume aujourd’hui à l’organisation ultra-ficelée d’un réveillon qui doit se surpasser. Un peu d’histoire s’impose. Fête de la Nativité, Noël est avant tout une célébration religieuse qui rappelle chaque année la naissance de Jésus de Nazareth. A force de traditions locales, elle est devenue une fête profane que toutes les cultures ont accommodée à leur goût. Elle est passée de statut de commémoration sacrée à celui de goûter d’anniversaire. Mais, en fêtant Noël à notre image, privilégiant l’abondance et délaissant les racines chrétiennes, il est normal d’y retrouver les joies et les chagrins de la vie sociale. Comment y puiser le sens de la charité et de l’espérance sinon en fêtant une renaissance, une occasion de raviver notre regard sur les autres à l’heure où la crise fait du mal ? Dans la perspective du 25 décembre, c’est le temps des préparatifs. Malgré un budget et un moral en berne, les sondages prédisent que les Français ne mégoteront pas sur les agapes : fruits de mer, foie gras, saumon fumé, chapon, bûche et macarons s’entassent déjà sur les étals des commerçants. Les usines chinoises tournent à plein régime pour inonder le marché de ses jouets toxiques. La folie des cadeaux s’est même emparée du web où il est devenu si simple de commander le monde entier depuis son écran d’ordinateur, vidant l’acte d’achat de toute implication émotionnelle. Peut-on préserver le plaisir d’offrir en quelques clics ? Comme une rengaine, les modes perdurent. Un tiers des Français songent à offrir de l’argent. Viennent ensuite les chocolats, le livre, la BD, le CD ou le DVD, le jeu vidéo, un bijou ou une montre, quand ce n’est plusieurs cadeaux à la fois. Le classique a toujours de beaux jours devant lui. A moins d’appeler ça la solution de facilité. Parce qu’il est toujours plus difficile de se creuser la tête pour renouveler ses idées quand on y est forcé. Autre chiffre qui devrait me réjouir : plus de 80% des Français passent Noël en famille. Mais plus de 70% n’ont pas le sentiment de vivre la dimension religieuse de la fête de Noël. Et 6% le passent tout seul. Chiffre dérisoire ? Pas pour moi. Car, en période de Noël, leur solitude n’a jamais pesé aussi lourd ! Alors oui, Noël, c’est les boules. Les boules de survivre aux cohues des grands magasins, au prix triplé du kilo de Saint-Jacques à J-5, au papier cadeau coupé toujours trop court et aux cachets d’aspirine qui fondent dans leur verre d'eau dès potron-minet. Et si, pour une fois, nous cessions d’être des rois païens, prosternés devant des idoles, pour se faire rois mages, empreints de spiritualité, engagés à traverser le désert et suivre la bonne étoile dans le seul but de venir adorer l’enfant, par élan d’humilité ? Sans trop le gâter tout de même…