
Qu’est-ce qui fait camper des fans de la marque Apple devant sa première boutique, au Carrousel du Louvre, la veille de son inauguration, malgré une communication opaque ? "C'est l'amour, mour, mour, mour" comme dirait Léopold Nord et Vous. Le fruit d’une love story entre une marque et ses adeptes que même les journalistes peinent à comprendre. Et l’amour, ça ne s’explique pas.
Le 19 novembre dernier, à l’occasion du premier forum DevCom de Paris dédié au développement commercial et aux stratégies de communication, une conférence portait sur la perception des marques par les consommateurs.
Des professionnels du marketing réagissaient, en direct, aux résultats d’une étude menée en 2009 auprès de 15 000 répondants. Face aux effets de la crise, les marques se posent des questions sur leur stratégie : quels sont les attributs d’une marque plébiscitée ? Comment tenir compte des attentes d’un consommateur "qui a pris les commandes" ? La publicité traditionnelle a-t-elle encore un sens ? Quelle est l’efficacité des nouveaux canaux de communication de type blogs ou réseaux sociaux ? Comment l’actualité influence-t-elle la perception des marques et la consommation ? Pour une fois, dans un salon, les résultats d’une étude n’étaient pas un prétexte pour faire de l’autopromotion. Plusieurs enseignements intéressants sont ressortis de la discussion.
Tout d’abord, la confiance dans les marques est plus faible chez les plus de 35 ans que chez les jeunes, plus indulgents. Sans doute parce que la cible plus âgée est davantage sensible à la transparence et à l’honnêteté des entreprises que la jeune génération, plus zappeuse. On retrouve ce critère sociétal dans le choix du premier attribut d’une grande marque : le respect des salariés et des consommateurs. Une bonne communication dans les médias ne vient qu’en troisième position, après la transmission des valeurs. La publicité telle qu’on la connait ne suffit donc plus pour valoriser la marque. On parle plus volontiers de stratégie des "points de contact" qui consiste à optimiser la relation de proximité, d’immédiateté et d’attention avec le consommateur. Où et comment le toucher est un enjeu supérieur au renforcement de l’exposition publicitaire. « J’ai beau chercher la vérité dans les masses, je ne la rencontre que dans les individus » disait le peintre Eugène Delacroix. Le consommateur attend des marques un encadrement plus individualisé. En période de crise, il est davantage sensible aux bonnes affaires (promotions, soldes, achats moindres ou différés) ou aux changements de produits qu’à des messages publicitaires. Un chiffre éloquent : 60% des clients qui quittent une marque en sont néanmoins satisfaits ! C’est donc tout le processus de la fidélisation qu’il faut repenser. C’est pourquoi, en marge des actions de marketing direct, la marque doit aussi se révéler, prendre des risques dans sa communication, offrir une part de rêve, créer de la valeur, un attachement émotionnel. Le consommateur veut entrer dans les coulisses, partager l’ADN de l’entreprise, visiter le site de production, découvrir le secret de fabrication. De nombreux groupes ne s’y sont pas trompés en revenant aux sources de leur histoire ou de celle de leurs produits-phares. D’où la multiplication des communications axées sur les anniversaires ou le story-telling (Danone, Citröen, Twinings…).
Deuxième idée forte : les réseaux sociaux font débat. 67% des personnes interrogées ne savent pas définir leur rôle. 42% ne se renseignent jamais sur les marques par ce biais. 54% pensent qu’elles n’ont rien à y faire. En revanche, 26% approuvent cette présence et 20% la considèrent légitime quand la marque a un lien avec le monde des NTCI. Alors, y être ou pas ? Sur Facebook, le groupe Coca-Cola compte plus de 4 millions de fans et Nespresso plus de 130 000 membres. Le marketeur peut facilement envisager la puissance de l’outil pour un coût quasiment nul. D’autant plus que le réseau social est un outil de permission marketing : le destinataire a fait le choix délibéré de rejoindre la communauté. Toute communication à son attention n’est donc pas intrusive. Enfin, le réseau social sert le business de la recommandation. Le bouche-à-oreille y joue un rôle prépondérant sur la perception des marques et la popularité des produits. Alors autant l’entretenir. Pour éviter le pire. Parfois, c’est une initiative des consommateurs qui donne des idées aux annonceurs. En 2009, une pétition pour mettre la voix d’Homer Simpson dans les gares a réuni près de 200 000 personnes sur Facebook. Du coup, pour le 1er avril, la SNCF a diffusé des spots humoristiques dans une quinzaine de gares, avec la complicité de Philippe Peythieu, l’acteur qui double le personnage dans la version française. L’info a vite fait le buzz sur le net, offrant une opportunité pour la marque de renforcer ses liens émotionnels avec le public.
Enfin, sans surprise, les médias et l’actualité pèsent lourd sur la perception des marques. Si le "respect des salariés" se place en tête des attributs d’une bonne marque, c’est très certainement parce que les médias ont relayé, avec force, les suicides en entreprise. De même, le thème du développement durable, largement mis à l’honneur dans de nombreux films-événements (Une vérité qui dérange, Home, Vu du Ciel, Le syndrome du Titanic), influence le consommateur qui apprécie désormais les marques éco-responsables. Ce n’est pas anodin si McDonald’s a publié dans un journal gratuit une page de publicité sur son engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique, le premier jour du Sommet de Copenhague…
L’ère de la consommation de masse serait-elle donc révolue pour laisser place à la consom’action, la consommation responsable et citoyenne ? En tous cas, pour Apple, il y a encore du chemin à faire puisque la marque était en queue de peloton du classement Greenpeace des marques high-tech éco-responsables, lors du lancement de l'iPhone. Aujourd'hui, elle remonte doucement la pente. En 2007, Steve Jobs, son charismatique président dont l’état de santé fragile alimente bien des rumeurs, avait promis : "La pomme va devenir verte". Espérons que l’arbre ne tombe pas avant que le fruit soit mûr...
Le 19 novembre dernier, à l’occasion du premier forum DevCom de Paris dédié au développement commercial et aux stratégies de communication, une conférence portait sur la perception des marques par les consommateurs.
Des professionnels du marketing réagissaient, en direct, aux résultats d’une étude menée en 2009 auprès de 15 000 répondants. Face aux effets de la crise, les marques se posent des questions sur leur stratégie : quels sont les attributs d’une marque plébiscitée ? Comment tenir compte des attentes d’un consommateur "qui a pris les commandes" ? La publicité traditionnelle a-t-elle encore un sens ? Quelle est l’efficacité des nouveaux canaux de communication de type blogs ou réseaux sociaux ? Comment l’actualité influence-t-elle la perception des marques et la consommation ? Pour une fois, dans un salon, les résultats d’une étude n’étaient pas un prétexte pour faire de l’autopromotion. Plusieurs enseignements intéressants sont ressortis de la discussion.
Tout d’abord, la confiance dans les marques est plus faible chez les plus de 35 ans que chez les jeunes, plus indulgents. Sans doute parce que la cible plus âgée est davantage sensible à la transparence et à l’honnêteté des entreprises que la jeune génération, plus zappeuse. On retrouve ce critère sociétal dans le choix du premier attribut d’une grande marque : le respect des salariés et des consommateurs. Une bonne communication dans les médias ne vient qu’en troisième position, après la transmission des valeurs. La publicité telle qu’on la connait ne suffit donc plus pour valoriser la marque. On parle plus volontiers de stratégie des "points de contact" qui consiste à optimiser la relation de proximité, d’immédiateté et d’attention avec le consommateur. Où et comment le toucher est un enjeu supérieur au renforcement de l’exposition publicitaire. « J’ai beau chercher la vérité dans les masses, je ne la rencontre que dans les individus » disait le peintre Eugène Delacroix. Le consommateur attend des marques un encadrement plus individualisé. En période de crise, il est davantage sensible aux bonnes affaires (promotions, soldes, achats moindres ou différés) ou aux changements de produits qu’à des messages publicitaires. Un chiffre éloquent : 60% des clients qui quittent une marque en sont néanmoins satisfaits ! C’est donc tout le processus de la fidélisation qu’il faut repenser. C’est pourquoi, en marge des actions de marketing direct, la marque doit aussi se révéler, prendre des risques dans sa communication, offrir une part de rêve, créer de la valeur, un attachement émotionnel. Le consommateur veut entrer dans les coulisses, partager l’ADN de l’entreprise, visiter le site de production, découvrir le secret de fabrication. De nombreux groupes ne s’y sont pas trompés en revenant aux sources de leur histoire ou de celle de leurs produits-phares. D’où la multiplication des communications axées sur les anniversaires ou le story-telling (Danone, Citröen, Twinings…).
Deuxième idée forte : les réseaux sociaux font débat. 67% des personnes interrogées ne savent pas définir leur rôle. 42% ne se renseignent jamais sur les marques par ce biais. 54% pensent qu’elles n’ont rien à y faire. En revanche, 26% approuvent cette présence et 20% la considèrent légitime quand la marque a un lien avec le monde des NTCI. Alors, y être ou pas ? Sur Facebook, le groupe Coca-Cola compte plus de 4 millions de fans et Nespresso plus de 130 000 membres. Le marketeur peut facilement envisager la puissance de l’outil pour un coût quasiment nul. D’autant plus que le réseau social est un outil de permission marketing : le destinataire a fait le choix délibéré de rejoindre la communauté. Toute communication à son attention n’est donc pas intrusive. Enfin, le réseau social sert le business de la recommandation. Le bouche-à-oreille y joue un rôle prépondérant sur la perception des marques et la popularité des produits. Alors autant l’entretenir. Pour éviter le pire. Parfois, c’est une initiative des consommateurs qui donne des idées aux annonceurs. En 2009, une pétition pour mettre la voix d’Homer Simpson dans les gares a réuni près de 200 000 personnes sur Facebook. Du coup, pour le 1er avril, la SNCF a diffusé des spots humoristiques dans une quinzaine de gares, avec la complicité de Philippe Peythieu, l’acteur qui double le personnage dans la version française. L’info a vite fait le buzz sur le net, offrant une opportunité pour la marque de renforcer ses liens émotionnels avec le public.
Enfin, sans surprise, les médias et l’actualité pèsent lourd sur la perception des marques. Si le "respect des salariés" se place en tête des attributs d’une bonne marque, c’est très certainement parce que les médias ont relayé, avec force, les suicides en entreprise. De même, le thème du développement durable, largement mis à l’honneur dans de nombreux films-événements (Une vérité qui dérange, Home, Vu du Ciel, Le syndrome du Titanic), influence le consommateur qui apprécie désormais les marques éco-responsables. Ce n’est pas anodin si McDonald’s a publié dans un journal gratuit une page de publicité sur son engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique, le premier jour du Sommet de Copenhague…
L’ère de la consommation de masse serait-elle donc révolue pour laisser place à la consom’action, la consommation responsable et citoyenne ? En tous cas, pour Apple, il y a encore du chemin à faire puisque la marque était en queue de peloton du classement Greenpeace des marques high-tech éco-responsables, lors du lancement de l'iPhone. Aujourd'hui, elle remonte doucement la pente. En 2007, Steve Jobs, son charismatique président dont l’état de santé fragile alimente bien des rumeurs, avait promis : "La pomme va devenir verte". Espérons que l’arbre ne tombe pas avant que le fruit soit mûr...