J’adore Vivement Dimanche ! Sans pour autant se transformer en or, tout ce qui passe chez Michel Drucker révèle son éclat. Et quoi qu’en disent les contradicteurs qui l’accusent d’être une émission mièvre pour spectateurs du troisième âge, j’adore son optimisme et son respect des valeurs sûres. Je ne compte plus les chansons achetées, séance tenante, suite au passage de son interprète sur la scène du Studio Gabriel : Alain Souchon (La compagnie), Olivier Ruiz (Belle à en crever), Michel Delpech (Johnny à Vegas), Julien Clerc (Souvenez-vous), Maurane (Rimes) ou Renan Luce (La fille de la bande).
Le 11 octobre dernier, aux côtés de Frédéric Mitterrand, c’est Jean d’Ormesson qui troquait son fauteuil d’académicien contre le canapé rouge pour nous parler de littérature et, en particulier, de son dernier titre Saveur du temps, paru aux éditions Héloïse d’Ormesson, un recueil de chroniques publiées dans la presse entre 1948 et aujourd’hui. Et je dois dire que ma première confrontation avec l’immortel, par livre interposé, fut un véritable choc.
Bien sûr, j’avais déjà posé un regard sur ses articles dans le Figaro (dont il fut d'ailleurs le directeur général de 1974 à 1977) et sa voix, si souvent reprise par les imitateurs, m’était familière. Mais, je n’avais jamais osé tourner la première page d’un de ses romans, à lui, l’amoureux des livres. Trop hermétique, pensai-je. Et, le temps d’un reflet dans le miroir télévisuel, j’ai apprécié l’homme, sa malice, en quelques mots. La boîte de Pandore venait de s’ouvrir : Une autre histoire de la littérature française ; Presque rien sur presque tout ; Qu’ai-je donc fait ? ; Dieu, sa vie, son œuvre ; Et toi mon cœur pourquoi bas-tu ? ; L’enfant qui attendait un train… La liste est longue. Trop longue. Comme dans un coffret de marrons glacés, les friandises se ressemblent toutes mais on ne sait laquelle choisir. Et, en définitive, on veut tout boulotter.
"Un livre suffit pour réenchanter la vie" écrit-il dans l’une de ses chroniques. Je viens d’en faire l’expérience. Se plonger dans Saveur du temps, c’est comme traîner ses guêtres dans une brocante. Non pas que l’auteur soit un vieil écrivain poussiéreux (bien au contraire !) mais chaque page est une découverte, un objet chiné, une malle à souvenirs, qui fleure bon la nostalgie, la maison de campagne, le parquet qui craque, le feu qui crépite, le bouquet de lilas et les confitures qui embaument l’atmosphère d’une douce soirée d’été. Un livre de Jean d’Ormesson, c’est une madeleine de Proust qui donne envie de relire, que dis-je !, de lire ses classiques, de revisiter sa propre culture et de fuir la frénésie de l’hyperconsommation et la tentation des modes.
Elève, je n’ai jamais été très bon lecteur. Au lycée, mes professeurs de lettres me demandaient de lire Hugo, Chateaubriand ou Stendhal. Trop peu pour moi : trop jeune, pas assez de maturité intellectuelle pour les apprécier. C’est ma mère qui les lisait pour moi et m’aidait à rédiger les fiches de lecture. J’avoue tout ! Assoiffé d’intrigues, je ne jurais que par les romans policiers ou fantastiques : Maupassant, Conan Doyle, Agatha Christie,… Et c’est seulement aujourd’hui, à 34 ans, que je réalise, en lisant Jean d’Ormesson, le vide littéraire que j’ai laissé derrière moi. C’est tout le paradoxe de l’éducation. Je suis convaincu qu’il y a un âge pour lire certains livres. Or, on nous les impose souvent au mauvais moment, comme un gavage culturel, préalable obligatoire avant d’être lâché en pleine vie d’adulte, la tête bien pleine et non bien faite. Montaigne, où étais-tu quand j’avais besoin de toi ? Or, pour moi, le talent d’un bon professeur de français est de nous donner le goût des bonnes plumes. D’inscrire dans notre patrimoine génétique l’instinct de curiosité qui facilitera, en temps voulu, notre initiation aux grands écrivains. Dans Saveur du temps, Jean d’Ormesson donne quelques-unes des clefs qui déverrouillent le programme caché. "La culture, écrit-il, n’est sûrement pas un exercice d’archives, une affection de sérieux, une invitation à suivre des sentiers fléchés d’avance, une obligation de rire là et d’admirer ici. C’est d’abord un plaisir. A chacun de le prendre où il veut." J’ajouterais : quand il veut !
C’est ainsi que Saveur du temps fait boule de neige. Il invite à lire d’autres livres (comme La mer est ronde de Jean-François Deniau, ma prochaine lecture !), à se réconcilier avec les écrivains antiques, plus proches de nous qu’on ne l’imagine, à tirer notre intelligence vers le haut. Même si parfois, certaines références me laissent au bord du chemin, agonisant d’ignorance. Mais Jean d’Ormesson est un médecin, docteur ès lettres, qui soigne l’organe de la lecture, trop souvent atrophié par la littérature de sac de plage. Sans ordonnance. Pour que, à la fin de ma vie, je puisse répondre à la question : qu’ai-je donc lu ?
Le 11 octobre dernier, aux côtés de Frédéric Mitterrand, c’est Jean d’Ormesson qui troquait son fauteuil d’académicien contre le canapé rouge pour nous parler de littérature et, en particulier, de son dernier titre Saveur du temps, paru aux éditions Héloïse d’Ormesson, un recueil de chroniques publiées dans la presse entre 1948 et aujourd’hui. Et je dois dire que ma première confrontation avec l’immortel, par livre interposé, fut un véritable choc.
Bien sûr, j’avais déjà posé un regard sur ses articles dans le Figaro (dont il fut d'ailleurs le directeur général de 1974 à 1977) et sa voix, si souvent reprise par les imitateurs, m’était familière. Mais, je n’avais jamais osé tourner la première page d’un de ses romans, à lui, l’amoureux des livres. Trop hermétique, pensai-je. Et, le temps d’un reflet dans le miroir télévisuel, j’ai apprécié l’homme, sa malice, en quelques mots. La boîte de Pandore venait de s’ouvrir : Une autre histoire de la littérature française ; Presque rien sur presque tout ; Qu’ai-je donc fait ? ; Dieu, sa vie, son œuvre ; Et toi mon cœur pourquoi bas-tu ? ; L’enfant qui attendait un train… La liste est longue. Trop longue. Comme dans un coffret de marrons glacés, les friandises se ressemblent toutes mais on ne sait laquelle choisir. Et, en définitive, on veut tout boulotter.
"Un livre suffit pour réenchanter la vie" écrit-il dans l’une de ses chroniques. Je viens d’en faire l’expérience. Se plonger dans Saveur du temps, c’est comme traîner ses guêtres dans une brocante. Non pas que l’auteur soit un vieil écrivain poussiéreux (bien au contraire !) mais chaque page est une découverte, un objet chiné, une malle à souvenirs, qui fleure bon la nostalgie, la maison de campagne, le parquet qui craque, le feu qui crépite, le bouquet de lilas et les confitures qui embaument l’atmosphère d’une douce soirée d’été. Un livre de Jean d’Ormesson, c’est une madeleine de Proust qui donne envie de relire, que dis-je !, de lire ses classiques, de revisiter sa propre culture et de fuir la frénésie de l’hyperconsommation et la tentation des modes.
Elève, je n’ai jamais été très bon lecteur. Au lycée, mes professeurs de lettres me demandaient de lire Hugo, Chateaubriand ou Stendhal. Trop peu pour moi : trop jeune, pas assez de maturité intellectuelle pour les apprécier. C’est ma mère qui les lisait pour moi et m’aidait à rédiger les fiches de lecture. J’avoue tout ! Assoiffé d’intrigues, je ne jurais que par les romans policiers ou fantastiques : Maupassant, Conan Doyle, Agatha Christie,… Et c’est seulement aujourd’hui, à 34 ans, que je réalise, en lisant Jean d’Ormesson, le vide littéraire que j’ai laissé derrière moi. C’est tout le paradoxe de l’éducation. Je suis convaincu qu’il y a un âge pour lire certains livres. Or, on nous les impose souvent au mauvais moment, comme un gavage culturel, préalable obligatoire avant d’être lâché en pleine vie d’adulte, la tête bien pleine et non bien faite. Montaigne, où étais-tu quand j’avais besoin de toi ? Or, pour moi, le talent d’un bon professeur de français est de nous donner le goût des bonnes plumes. D’inscrire dans notre patrimoine génétique l’instinct de curiosité qui facilitera, en temps voulu, notre initiation aux grands écrivains. Dans Saveur du temps, Jean d’Ormesson donne quelques-unes des clefs qui déverrouillent le programme caché. "La culture, écrit-il, n’est sûrement pas un exercice d’archives, une affection de sérieux, une invitation à suivre des sentiers fléchés d’avance, une obligation de rire là et d’admirer ici. C’est d’abord un plaisir. A chacun de le prendre où il veut." J’ajouterais : quand il veut !
C’est ainsi que Saveur du temps fait boule de neige. Il invite à lire d’autres livres (comme La mer est ronde de Jean-François Deniau, ma prochaine lecture !), à se réconcilier avec les écrivains antiques, plus proches de nous qu’on ne l’imagine, à tirer notre intelligence vers le haut. Même si parfois, certaines références me laissent au bord du chemin, agonisant d’ignorance. Mais Jean d’Ormesson est un médecin, docteur ès lettres, qui soigne l’organe de la lecture, trop souvent atrophié par la littérature de sac de plage. Sans ordonnance. Pour que, à la fin de ma vie, je puisse répondre à la question : qu’ai-je donc lu ?