Alors que la parution chez Nil du 1er tome des Mémoires de Jacques Chirac est annoncée pour les semaines à venir (parution retardée par une polémique débile autour de la photo de couverture qui représenterait l’ancien président, clope au bec), deux fines gâchettes du pastiche marchent sur les plates-bandes de Michel Audiard et publient des antimémoires sous le titre exquis de Chirac s’emmerde, chez Pascal Galodé éditeurs. Un premier roman, petit bijou d’humour gratiné, écrit à quatre mains par Théodore Musard, antiquaire à Venise et Achille Wolfoni (ça ne s'invente pas), bouquiniste du Quai Voltaire. Ensemble, ils imaginent les tribulations de Chirac depuis son départ de l’Elysée jusqu’à aujourd’hui. Or, qu’on porte ou non le personnage dans son coeur de citoyen, je dois dire que c’est irrésistible. On oublie la stature de chef d’état pour plonger dans le quotidien d’un retraité pas tout à fait comme les autres. Pas totalement méchants, ni trop flatteurs, ils dépeignent le Chirac des Guignols de l’Info ("putain, 2 ans !", "mangez des pommes !"), beaucoup plus préoccupé par son prochain déj avec son pote Jean-Louis que par ses devoirs d’après-mandat. De son installation sur les quais de Seine, dans l’appartement prêté par la famille Hariri, aux couloirs du Conseil Constitutionnel dont il est membre de droit, Chirac passe son temps entre les restos, les mots-croisés, les jeux télévisés, les promenades de Sumo (son bichon maltais) et le développement de sa fondation pour la protection de la biodiversité, du dialogue des cultures et du respect de l’environnement. Vaste programme ! On retrouve des figures de la politique française et des personnalités du show business, rarement nommées explicitement mais suffisamment bien croquées pour qu’on les reconnaisse, par l’angle de la caricature. Au vu de son parcours pharaonique, on ne peut s’empêcher de sourire tant les élucubrations des auteurs sont nombreuses. L’imaginer pantouflard, affalé dans son canapé avec une bonne bière fraîche devant Questions pour un champion, comme le français moyen (mais sans les contraintes du français moyen…), est une image qu’on ne se refuse pas, à la lecture de ce portrait au vitriol. Bien sûr, il y a Sarkozy et leur éternelle rivalité. Il y a aussi Villepin qui tombe toujours au mauvais moment, avec ses idées à la con. Et puis sa fille Claude, à ses côtés pour gérer sa com’ et ses écarts de conduite. Morceau choisi, Chirac s'amuse aux mots-croisés :
« – Vide après avoir tiré un coup, en sept lettres ?
– Douille, dit Claude.
– Passe-moi la gomme, je me suis trompé d’une lettre. ».
Sans oublier Giscard, Pinault, Schweitzer, Toubon, Juppé, Baroin, Barnier,… Avec Chirac s’emmerde, le président entre directement dans le club des Tontons Flingueurs et des Barbouzes, façon puzzle.