jeudi 13 septembre 2012

A la Une, à la deux et...

Le dessin de Plantu, dans Le Monde du mardi 11 septembre 2012

L’affaire de la Une de Libé contre Bernard Arnault n’en finit pas de rebondir. En protestation contre ce choix éditorial, de nombreux annonceurs du luxe, dont les sociétés du groupe LVMH, ont décidé de suspendre leurs investissements publicitaires. Préjudice estimé : jusqu’à 700 000 euros de manque à gagner selon des sources internes. La pilule est amère, même si les ventes au numéro ont décollé ce jour-là. Le quotidien engagé a-t-il eu raison d’être provocateur, aux frontières de la diffamation ? Oui et non.

La Une d’un journal est un choix d’équipe, le fruit d’une concertation en conférence de rédaction. Il reflète l’humeur des journalistes, interpelle le lectorat, stimule les ventes et joue parfois son rôle de poil à gratter de la réflexion citoyenne. Ce n’est donc pas une décision anodine, ni un caprice. Par cette Une, Libération a voulu réaffirmer son indépendance, éprouver les fondements de la liberté d’expression, et afficher clairement sa position dans le débat politique sur la taxation des riches, qu’on la partage ou pas. Le lendemain, Libé récidive et publie une autre Une satirique, en écho à la précédente, puisant de nouveau dans le répertoire médiatique de Nicolas Sarkozy.

Libération a pris le parti d’insulter un grand patron français tandis que ce dernier sème le trouble dans l’opinion publique sur ses intentions de demander la nationalité belge tout en restant résident fiscal français. Une déclaration à vous rendre perplexe, certes. Mais l’humour ne doit pas se faire complice de la grossièreté. En parodiant cette expression malheureuse de l’ancien chef de l’état, Libération la fait entrer dans un langage que les jeunes prennent ainsi pour culte. Une sacralisation de la vulgarité, en quelque sorte. Mauvais exemple alors que la presse écrite souffre d’un déficit d’audience.

Mais surtout, Libération s'est trompé de cible. Dans cette polémique sur les 75%, le journal stigmatise une personnalité du monde économique dont l’empire fait vivre des dizaines de milliers d’emplois à travers le monde. Que dire des autres fortunes ? Ceux qui tapent dans un ballon, par exemple ? Il est temps que le président Hollande prenne le parti des créateurs de richesse. Ne serait-ce que pour nous épargner les leçons de morale d’un ancien champion de tennis... Le coup de pub de Libé fait donc figure de cas d’école sur le devoir d’exemplarité et le sens de l'engagement. Sur le plateau du "Grand Journal", le baron Rothschild a défendu le quotidien dont il est actionnaire de référence. Finalement, une simple querelle de riches.